vendredi 24 janvier 2014

Tunisie : quelle place pour l’islam dans la Constitution ?

La constituante tunisienne est appelée à adopter samedi la Constitution du pays, plus de trois ans après la révolution de janvier 2011, un vote qui doit résoudre une profonde crise politique et ouvrir la voie vers des élections. Pour être approuvé, le projet doit obtenir une majorité des deux tiers des 217 élus. Si elle n’est pas atteinte, une deuxième lecture devra être organisée. Si le vote échoue une seconde fois, un référendum devra avoir lieu. En voici les principales dispositions :

L’islam en filigrane
Si l’islam n’a pas été intégré comme source de droit dans cette loi fondamentale, les islamistes d’Ennahda majoritaires ayant renoncé à y inscrire la charia, des références à la religion apparaissent à maintes reprises, laissant une place importante à l’interprétation. La Constitution est écrite "Au nom de Dieu le clément, le miséricordieux", le préambule exprime "l’attachement de notre peuple aux enseignements de l’islam" et l’article premier définit, comme dans la loi fondamentale de 1959, la Tunisie comme "un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion".
Par ailleurs, l’article 6, qui garantit "la liberté de croyance et de conscience", dit cependant que l’Etat devra interdire "toute atteinte au sacré", sans plus de précisions. Il dispose aussi d’une interdiction des "appels à l’accusation d’apostasie", revendication d’une partie de l’opposition laïque. Enfin, le chef de l’État doit être musulman.

Un pouvoir exécutif bicéphale
L’exécutif est partagé entre un chef de gouvernement responsable devant le Parlement et le président de la République élu au suffrage universel. Chacun dispose aussi du pouvoir d’initiative des lois. Si le Premier ministre, chargé de "fixer la politique générale de l’Etat", est la charnière de l’exécutif, le président définit les "politiques générales dans les domaines de la défense et des relations étrangères, de la sécurité nationale chargée de la protection de l’État".
Le chef de l’État ne peut pas limoger le gouvernement mais lui imposer un vote de confiance à l’Assemblée. Si le cabinet survit à deux votes de ce type, le président est forcé de démissionner. Le président peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple uniquement si celle-ci échoue à accorder sa confiance à un gouvernement dans des délais précisés par la Constitution. Au niveau du pouvoir législatif, la Constitution définit l’opposition comme "une composante essentielle" de l’Assemblée. Elle y disposera "obligatoirement" de la présidence de la commission des Finances et du poste de rapporteur pour les relations extérieures.

Droits et libertés
La principale innovation dans ce chapitre a été l’inscription de l’objectif de "réalisation de la parité dans les assemblées élues", exceptionnel dans le monde arabe. Elle reconnaît aussi l’égalité "sans discrimination" entre "les citoyens et les citoyennes". La loi fondamentale contient aussi les grands principes des droits de l’homme, tels les libertés d’expression, d’association, de la presse ou encore le droit à l’information et celui de grève. La liberté de croyance et de conscience est aussi inscrite dans le texte, bien qu’elle ait été combattue par de nombreux élus.
Cependant, des ONG se sont inquiétées du fait que la Constitution accorde aux traités internationaux un rang "infraconstitutionnel", qui pourrait ouvrir la voie au non-respect par la Tunisie de ses obligations internationales en matière de droits humains. Enfin, la loi fondamentale n’abolit pas la peine de mort.

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