dimanche 26 janvier 2014

Syrie : Les discussions entre Syriens piétinent à Genève

Les pourparlers entre des représentants du régime syrien et des opposants à Bashar al Assad ont repris dimanche à Genève, sans toutefois déboucher sur des progrès tangibles, ni sur la distribution d’aide humanitaire à Homs ni sur des libérations de prisonniers.
Lakhdar Brahimi, le médiateur international, espérait que d’éventuels accords sur ces points permettraient de créer un minimum de confiance entre les deux camps avant de basculer lundi sur les questions politiques, sur lesquelles les positions des uns et des autres sont diamétralement opposées.
En l’absence de résultats concrets, Lakhdar Brahimi devait finalement s’entretenir séparément dimanche après-midi avec les représentants des deux camps afin de préparer les discussions politiques du lendemain, a dit un représentant de l’opposition, Ahmad Ramadan.
Au lendemain d’une première série de pourparlers, les délégations de Damas et de l’opposition se sont à nouveau retrouvées face à face dimanche matin au Palais des nations à Genève. Rassemblées autour d’une table en forme de U, elles ne s’adressent pas directement la parole mais échangent par l’intermédiaire de Lakhdar Brahimi.
Les deux camps ne s’entendent même pas sur les faits les plus basiques. Des représentants de l’opposition disent avoir soumis une liste de 47.000 prisonniers et de 2.500 femmes et enfants dont ils réclament la libération.
Or, citant une source gouvernementale, la télévision syrienne assure que le régime est prêt à libérer tout détenu civil "mais la coalition de ce qui est appelé l’opposition s’est abstenue de soumettre la moindre liste".
Délégué de l’opposition, Monzer Akbik a rapporté que les représentants du gouvernement s’étaient engagés à répondre à une demande d’acheminement d’aide humanitaire dans le centre de Homs, tenu par les rebelles et assiégé depuis 18 mois par les forces de Bashar al Assad.
L’opposition affirme que 500 familles ont un besoin urgent de nourriture et de médicaments dans cette ville, l’un des premiers foyers de la contestation contre le régime en 2011.
"Les représentants du régime disent qu’ils vont devoir consulter Damas avant de prendre une décision définitive à ce sujet", a dit Monzer Akbik. "C’est une manoeuvre dilatoire (...) Nous avons relevé le manque de sérieux de la part du régime."
D’après Ahmad Ramadan, les représentants du gouvernement n’avaient toujours pas répondu dans l’après-midi aux demandes sur l’aide humanitaire et sur les prisonniers.
L’opposition considère la question de l’aide humanitaire comme un test de la sincérité du régime dans la négociation.
L’agence de l’Onu qui tente depuis une semaine d’acheminer des vivres dans le faubourg de Yarmouk, à la lisière sud de Damas, a accusé dimanche les autorités syriennes d’entraver ses efforts malgré leurs promesses de collaboration.
Ancien camp de réfugiés palestiniens, Yarmouk abrite aussi des Syriens désormais. Il est tenu par les rebelles et assiégé depuis des mois par les forces gouvernementales. Quinze personnes y seraient déjà mortes de faim.
L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) affirme que les autorités syriennes lui ont garanti le 18 janvier qu’il pourrait distribuer de l’aide aux habitants de Yarmouk.
"L’office est extrêmement déçu par le fait que, pour le moment, les assurances fournies par les autorités ne sont pas étayées par des actes sur le terrain pour faciliter un accès rapide et régulier à Yarmouk", a dit un porte-parole de l’UNRWA, Chris Gunness.
Seulement 138 colis permettant de nourrir huit personnes pendant 10 jours ont pu être distribués, alors que 18.000 personnes sont bloquées à Yarmouk. Les représentants du régime aux pourparlers de Genève contestent la stratégie des petits pas de Lakhdar Brahimi.
"L’autre partie est venue ici pour discuter d’un petit problème ici ou là. Nous, nous sommes là pour débattre de l’avenir de la Syrie", a dit Boussaïna Chaabane, conseillère du président Assad.
Même sans accord sur les questions humanitaires, les discussions porteront lundi sur les aspects politiques, a dit l’opposant Monzer Akbik, en insistant à nouveau sur la mise en oeuvre intégrale de la déclaration de Genève I, le nom donné à la première conférence de paix sur les rives du Léman.
Cette déclaration de juin 2012 appelle à la formation par consentement mutuel d’une autorité de transition dotée des pleins pouvoirs exécutifs. Cette formulation est interprétée de manières complètement divergentes par les opposants au régime et par les autorités syriennes. Les premiers considèrent qu’elle induit la mise à l’écart de Bashar al Assad, ce que rejettent catégoriquement les secondes.
"Si quelqu’un pense ou croit qu’il y a une possibilité de parvenir à ce qui est appelé la démission du président Bashar al Assad, cette personne vit dans un monde mythique et qu’elle reste alors chez Alice au pays des merveilles", a dit le ministre syrien de l’Information, Omran Zoabi.
Boussaïna Chaabane a abondé dans ce sens en jugeant que la déclaration de Genève n’était "pas le Coran, pas les Evangiles". "Elle a été formulée en juin 2012. Nous sommes désormais le 26 janvier 2014. La situation sur le terrain a changé. Nous évoluons en fonction de ce que la réalité exige."
Au cours de l’été 2012, les rebelles avaient pris le contrôle d’une grande partie d’Alep, la grande ville du nord de la Syrie, et défiaient les forces d’Assad aux abords de Damas. Depuis, soutenues par les combattants du Hezbollah libanais et guidées par des commandants militaires iraniens, les forces gouvernementales ont regagné du terrain et consolidé leur contrôle sur le centre de la Syrie.

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