dimanche 26 janvier 2014

Égypte : l’anniversaire de la révolution endeuillé

Au moins 29 personnes sont mortes samedi dans des heurts lors de manifestations en Egypte, dont 26 au Caire et sa banlieue, où des milliers de partisans du pouvoir et des centaines d’opposants islamistes étaient rassemblés pour le 3e anniversaire de la révolution de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir, selon le porte-parole du ministère de la Santé Ahmed Kamel. La police a ajouté que 765 manifestants ont été arrêtés.
Des milliers de personnes étaient massées sur la place Tahrir du Caire pour apporter leur soutien au pouvoir dirigé de facto par l’armée, alors que des opposants, libéraux et islamistes, ont conspué, côte à côte de façon inédite, les militaires.
Samedi, un sixième attentat a visé la police en deux jours, en dépit du fait que les commissariats et bâtiments gouvernementaux ont été bunkerisés et les grands axes barrés par les chars et blindés de l’armée. Une voiture piégée a explosé près d’une base de la police à Suez (nord-est), faisant neuf blessés et une bombe a été lancée sur un centre de la police au Caire faisant un blessé.

"À bas les militaires"
Les attaques contre les forces de l’ordre se sont multipliées depuis l’éviction le 3 juillet de l’islamiste Mohamed Morsi, seul président jamais élu démocratiquement d’Égypte, et la sanglante répression de ses partisans. En outre, sept personnes ont été tuées en marge de manifestations. Vendredi déjà, quatre attentats contre la police au Caire avaient fait six morts, tandis que 15 personnes avaient été tuées dans des cortèges pro-Morsi.
À l’appel des pro-Morsi et des mouvements de la jeunesse, fer de lance de la révolte de 2011, qui accusent l’armée au pouvoir de renouer avec les méthodes du régime Moubarak, des centaines de manifestants ont tenté de défiler dans le centre-ville, mais la police les a dispersés à coups de grenades lacrymogènes et de tirs de fusils à pompe, selon une journaliste de l’Agence France-Presse. "À bas les militaires" et "Le peuple veut la chute du régime", ont-ils scandé.

"Le peuple veut l’exécution des Frères"
Le gouvernement avait appelé les Égyptiens à se rassembler massivement pour commémorer la "Révolution du 25-Janvier" 2011 mais aussi pour lui montrer leur soutien dans sa "guerre contre le terrorisme". Fin décembre, il a déclaré "terroristes" les centaines de milliers de membres des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi qui avait remporté toutes les élections depuis 2011. Les pro-Morsi, quant à eux, ont appelé à lancer samedi 18 jours de manifestations "pacifiques", soit le nombre de jours qu’avait duré la révolte de 2011.
Place Tahrir, des milliers de personnes brandissaient des portraits du général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’armée et nouvel homme fort de l’Egypte, et scandaient "le peuple veut l’exécution des Frères". Un groupe disant s’inspirer d’al-Qaïda et basé dans le Sinaï, Ansar Beit al-Maqdess, a revendiqué les attentats de vendredi, comme il l’avait déjà fait pour d’autres attaques menées en représailles au "massacre" des pro-Morsi.
Dans la péninsule du Nord-Sinaï, dont l’armée tente de déloger les jihadistes, cinq soldats ont été tués quand leur hélicoptère s’est écrasé, selon des sources médicales. L’armée a confirmé le crash mais rien n’a filtré sur ces circonstances. Depuis août, plus de 1 000 personnes ont péri dans la répression et des milliers de Frères musulmans ont été emprisonnés, dont la quasi-totalité de leurs dirigeants qui, comme Mohamed Morsi, sont jugés dans divers procès et encourent la peine de mort.

Sissi à la présidentielle
Au terme de 18 jours de manifestations émaillées de violences ayant coûté la vie à quelque 850 personnes, le plus peuplé des pays arabes mettait fin le 11 février 2011 à trente ans de pouvoir absolu de Hosni Moubarak. Aussitôt après son départ, l’armée avait pris les rênes du pouvoir, avant de les remettre à l’islamiste Morsi, élu en juin 2012. Mais un an plus tard, des millions d’Égyptiens descendaient dans les rues pour exiger son départ, l’accusant de vouloir islamiser la société à marche forcée.
Le 3 juillet, le général Sissi, également ministre de la Défense et désormais vice-Premier ministre, annonçait la destitution et l’arrestation de Mohamed Morsi. Aujourd’hui, il ne cache plus son intention d’être candidat à la présidentielle prévue cette année, mais recherche sans cesse une caution dans la rue. Il jouit d’une très forte popularité parmi des Égyptiens qui veulent très majoritairement mettre un terme à ce qu’ils estiment être trois années de "chaos" : l’économie est au bord de la banqueroute et le pays est déserté par les touristes depuis trois ans.
Mais Amnesty International a dénoncé des "atteintes sans précédent" aux droits de l’Homme par les autorités et une "trahison de toutes les aspirations" de la révolte de 2011, notamment après l’arrestation récente de manifestants libéraux et laïques.

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