lundi 27 janvier 2014

Syrie : Genève II, journée de négociations à haut risque

Après deux jours consacrés aux problèmes des civils assiégés à Homs et des milliers de prisonniers et de disparus du conflit syrien, les négociateurs du régime de Bashar el-Assad et de l’opposition vont attaquer lundi le sujet le plus délicat : le gouvernement de transition. C’est depuis des mois la "ligne rouge" des négociations pour les deux délégations. Énoncé dans le communiqué final de "Genève I" patiemment écrit par les Russes et les Américains un soir de juin 2012, le principe de "l’organe de transition gouvernemental" divise partisans et opposants au président Assad. Il divise tout autant les Russes et les Iraniens, "parrains" du gouvernement syrien, des Occidentaux et des monarchies du Golfe, soutiens de l’opposition.
Globalement, l’opposition, qui lutte depuis mars 2011, considère que "Genève I" est synonyme de gouvernement de transition et de départ d’Assad, au pouvoir depuis 2000. Le régime considère lui qu’il ouvre la voie à un gouvernement d’union élargi. Damas évacue la question du départ du président en indiquant qu’il reviendra aux Syriens de choisir leur président dans l’isoloir. "Nous allons commencer à parler de la transition de la dictature à la démocratie", a déclaré Louai Safi, membre de la délégation de l’opposition à quelques heures de la troisième journée de négociations. "Le régime n’est clairement pas enthousiaste, ils traînent les pieds", a ajouté M. Safi. "On va voir si le régime est d’accord pour une solution politique ou s’ils en restent à une solution militaire", a-t-il dit.

"Respect mutuel"
Après le faux départ de vendredi, les délégations ont négocié dans un climat où, selon le médiateur de l’ONU Lakhdar Brahimi, le "respect mutuel" a prévalu. Les négociateurs des deux camps ennemis ont eu des sessions de travail le matin, ensemble dans la même pièce, mais se parlant par Brahimi interposé. L’après-midi, les négociations se déroulaient dans des salons séparés où le médiateur de l’ONU faisait la navette. Il en sera de même lundi au moment d’attaquer les négociations "politiques" à 11 heures (heure de Suisse et de Paris).
Le régime et l’opposition vont toutefois surveiller le terrain où des nouvelles de Homs sont attendues. Lakhdar Brahimi a en effet obtenu du régime la promesse de laisser les femmes et les enfants assiégés depuis des mois dans le centre de Homs quitter la ville. Mais l’annonce a été accueillie avec scepticisme dans les quartiers rebelles de Homs où l’opposition réclame des "garanties" que les civils ne soient pas arrêtés par le régime en sortant de la ville. L’ONU espère également que des convois d’aide humanitaire rentrent dans les quartiers rebelles de Homs. Souvent considéré comme le foyer de la contestation, Homs a payé au prix fort son opposition à Bachar el-Assad. Les quartiers rebelles sont assiégés depuis juin 2012 par l’armée régulière qui les bombarde régulièrement et des milliers de Syriens y vivent dans des conditions épouvantables, manquant de nourriture et de médicaments.

"Dizaines de milliers" de prisonniers
Dimanche, les négociateurs s’étaient penchés sur le problème des prisonniers et des disparus, un phénomène qui s’est amplifié depuis que le mouvement de contestation de mars 2011 s’est transformé en guerre civile sanglante qui a fait plus de 130 000 morts et des millions de réfugiés et de déplacés. L’opposition affirme posséder une liste de 47 000 personnes détenues dans les prisons du régime. Elle a présenté au cours des négociations une première liste avec les noms de 2 300 femmes et enfants. "S’il y a un échange, les femmes, les enfants et les plus vulnérables sont la priorité", a déclaré Monzer Aqbiq, porte-parole de la délégation de l’opposition.
Il n’existe pas de chiffres exacts concernant les prisonniers et les disparus, mais l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), fer de lance dans le conflit syrien, évoque 17 000 disparus et des "dizaines de milliers" de prisonniers dans les prisons du régime. L’OSDH évoque également des milliers de personnes enlevées ou détenues par des groupes armés, notamment des djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et du Front al-Nosra, ainsi que de groupes rebelles.

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