samedi 9 novembre 2013

Israël/Palestine : "Tout le monde ne cherche pas la même vérité" (Marc Bonnant)

Le 5 novembre, lorsque les scientifiques du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) livrent leur rapport médico-légal sur la mort de Yasser Arafat, l’Autorité palestinienne et la veuve du leader palestinien conviennent d’un embargo de dix jours. Mais celui-ci a été immédiatement violé. Ce document en anglais, lourd de 108 pages, est révélé dès le lendemain par Al Jazeera, la chaîne de télévision du Qatar, contraignant le CHUV à organiser une conférence de presse dans la précipitation, à Lausanne, le 7 novembre.

Pour l’ancien bâtonnier Marc Bonnant, l’avocat suisse de Souha Arafat, "il n’y a pas de doute, la manière dont l’information a fuité révèle les prémices d’une guerre d’influence. En Orient, les choses non dites sont plus sonores que celles qui sont formulées."

Patrice Mangin, directeur du Centre universitaire romand de médecine légale, et François Bochud, directeur de l’Institut de radiophysique, se sont montrés prudents quant aux causes de la mort de Yasser Arafat. Quelle est votre conviction ?
J’ai de très sérieuses raisons de penser que Yasser Arafat n’est pas mort de mort naturelle, mais par une absorption massive de polonium. Et des raisons tout aussi sérieuses de croire qu’il y a eu crime. Mais je rappelle qu’il y a trois collèges d’experts : en Suisse, en Russie et en France. Il faut attendre que les experts russes et français se prononcent.

Comment expliquez-vous que l’Autorité palestinienne et Souha Arafat se soient adressées ensemble aux scientifiques suisses, alors qu’il règne entre elles une assez grande méfiance ?
Je rappelle que c’est la veuve de Yasser Arafat qui a saisi la justice française en 2012. Mais elle n’avait en sa possession que les effets personnels de son défunt mari. Certes, on y a trouvé un niveau significatif de polonium. Mais ces effets, depuis le décès de Yasser Arafat en 2004, auraient pu être contaminés par d’autres sources. Il a donc fallu prélever des échantillons osseux sur la dépouille du dirigeant palestinien à Ramallah. Et cette autorisation relevait de l’Autorité palestinienne. Les deux parties se sont donc entendues pour obtenir la vérité scientifique sur la mort de Yasser Arafat. Elles sont provisoirement unies. En revanche, la vérité judiciaire, c’est tout autre chose.

Que voulez-vous dire ?
Après la première étape, l’étape suivante consistera à répondre à la question : quand Yasser Arafat a-t-il été empoisonné ? Peut-on avancer une fourchette de dates ? On arrivera ensuite à cerner le cercle étroit des personnes qui auraient pu le faire. On a déjà évoqué les services secrets israéliens, américains, mais aussi des rivalités au sein de l’Autorité palestinienne, des guerres de succession. Il risque fort d’y avoir des retournements d’alliance, car tout le monde ne cherche pas la même vérité. Certains auront peut-être la tentation d’entraver le cours de la justice.

(08-11-2013 - Propos recueillis par Ian Hamel)

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