mercredi 24 septembre 2014

Algérie : l'otage français Hervé Gourdel a été décapité (Armin Arefi)

Les djihadistes de l'État islamique (EI) ont fait leur première victime française. Hervé Pierre Gourdel, un Niçois de 55 ans, a été décapité par ses geôliers, selon une vidéo intitulée "Message de sang pour le gouvernement français" et qui n'a pas encore été authentifiée par le Quai d'Orsay. Le Français a été exécuté par les "soldats du califat", un groupe islamiste algérien ayant fait allégeance à l'EI il y a à peine une semaine. Guide de haute montagne d'expérience, Hervé Gourdel était arrivé en Algérie samedi dernier.
Dans une interview à L'Express, sa mère a affirmé qu'il devait effectuer un trekking d'une dizaine de jours dans le massif montagneux du Djurdjura. "Nous avons pu le joindre au téléphone hier (dimanche) après-midi, a expliqué lundi sa mère au site de l'hebdomadaire. "Tout allait bien. Il nous a dit qu'il entamait une randonnée de deux jours et qu'il serait peut-être difficilement joignable. Ensuite, il comptait ouvrir une nouvelle voie dans le massif."
Sur son site internet professionnel, Hervé Gourdel déclarait avoir découvert la montagne dans le Mercantour. "Dès lors, je n'ai eu qu'une envie, y revenir le plus souvent possible !" écrivait-il. Guide de haute montagne depuis 1987, il est décrit par Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, comme un "homme unanimement apprécié tant pour ses compétences que pour ses qualités humaines", rapporte l'Agence France-Presse. À l'origine d'un bureau de guides de montagne d'été créé aux portes du parc national, Hervé Gourdel assumait pleinement son choix de carrière.
"Le diplôme de guide m'a permis de gagner ma vie loin des bureaux en grimpant, en skiant, en parcourant des cours d'eau, en parlant de la montagne..., en transmettant un enthousiasme et des connaissances !" écrivait-il sur son site internet. Outre les voyages, Hervé Gourdel cultivait également une passion pour la photographie. "C'est dans l'Atlas marocain que j'ai commencé à évoluer, explique-t-il. J'ai eu envie de ramener des images des gens qui y vivent." Pendant vingt ans, le guide niçois a organisé des stages pour former des accompagnateurs en montagne et ainsi transmettre sa passion.
Ironie du sort, c'est dans la même chaîne de montagnes de l'Atlas, du côté algérien cette fois, que le guide de haute montagne a été enlevé dimanche en compagnie de ses accompagnateurs algériens. En Algérie, cette splendide région montagneuse est devenue depuis 1992 le sanctuaire des groupes islamistes engagés dans la lutte contre le gouvernement algérien. Cachés dans les montagnes de l'Atlas algérien, où ils ont creusé de nombreuses grottes et de multiples tunnels pendant la décennie noire du terrorisme (1992-2002), les djihadistes continuent à infliger de sévères pertes à l'armée algérienne, qui éprouve les plus grandes peines à les en déloger.
Dans la vidéo diffusée lundi soir, Hervé Gourdel était entouré de deux hommes armés encagoulés. L'otage affirmait être retenu par le groupe armé Jund-Al-Khilafah (les soldats du califat). Née pendant la guerre civile algérienne, cette faction d'une centaine d'hommes, née sous l'appellation "brigades de Thénia", a tout d'abord servi sous les ordres du Groupe islamique armé (GIA), connu en France pour son implication dans la vague d'attentats de 1995 dans le RER parisien. À sa tête, Abdelmalek Gouri, un vétéran du djihad en Afghanistan, surnommé Khaled Abou Slimane. Ce djihadiste algérien a participé en 2006 à la création d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), dont il est devenu l'un des 12 "émirs" locaux.
Mais, en juillet 2014, il sent le vent djihadiste tourner en faveur de l'organisation État islamique, qui vient de proclamer un "califat" à cheval sur la Syrie et l'Irak. Il prend alors ses distances avec Aqmi et prête allégeance, le 16 septembre dernier, au chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, devenu calife autoproclamé. "Si tu disposes de plusieurs armées en Irak et d'une armée en Syrie, considère que tu disposes en Algérie de lances que tu peux tirer dans n'importe quelle direction", lui écrit Khaled Abou Slimane.
L'appel de l'EI à la vengeance contre "les méchants et sales Français", en réponse aux bombardements de leurs positions en Irak, arrive à point nommé pour les "soldats du califat". Ceux-ci ne tardent pas à appliquer les ordres de la maison mère et reproduire ses méthodes radicales. Illustration macabre de cette motivation, les ravisseurs ont relâché la totalité des randonneurs algériens qu'ils avaient kidnappés. Pas le Français. Après les deux journalistes américains James Foley et Steven Sotloff, décapités en août, puis le travailleur humanitaire David Haines, exécuté le 13 septembre, Hervé Gourdel est le quatrième otage occidental abattu par l'organisation État islamique.
Mais à la différence des trois ressortissants anglo-saxons, Hervé Gourdel a été tué à des milliers de kilomètres du territoire contrôlé par l'EI en Syrie et en Irak. Preuve qu'il ne se doutait nullement du danger qui le guettait, le guide français ironisait sur Facebook, peu avant son départ, à un ami qui lui demandait s'ils pouvaient bientôt déjeuner ensemble : "Quand je rentre d'Algérie, après le premier octobre, si je rentre !"

(24-09-2014 - Armin Arefi)

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