dimanche 23 octobre 2016

Syrie : Aucun blessé n'a été évacué durant la trêve "humanitaire" à Alep

Ancienne capitale économique devenue un enjeu majeur de la guerre en Syrie, Alep est divisée depuis 2012 entre des quartiers ouest, tenus par le régime, et des zones est, contrôlées par ses opposants. (Afp)

La trêve « humanitaire » décrétée par Moscou dans la ville syrienne d'Alep a expiré samedi soir sans que l'ONU n'ait réussi à évacuer aucun blessé des quartiers assiégés faute de conditions de sécurité suffisantes. La « pause humanitaire », entrée en vigueur jeudi matin, devait prendre fin samedi à 19 heures, selon Moscou. Les huit corridors établis pour permettre aux habitants et aux rebelles qui le souhaitent de quitter les quartiers est de l'opposition, où vivent plus de 250 000 habitants, sont restés déserts. Ni Moscou ni le régime de Bashar el-Assad ne se sont exprimés samedi soir sur la trêve ou sur une éventuelle prolongation.
Par ailleurs, dans le nord du pays, la Turquie a visé des milices kurdes syriennes pour la seconde fois en deux jours, a rapporté samedi l'armée turque citée par l'agence officielle Anadolu. Quelque 70 positions des Unités de protection du peuple kurde (YPG), branche armée du parti kurde syrien PYD, ont été visées vendredi, a déclaré l'armée dans un communiqué sans préciser s'il y avait des victimes parmi les rebelles kurdes. Deux rebelles syriens, soutenus par Ankara, ont été blessés lors d'échanges de tirs contre des combattants de l'YPG, dans la ville syrienne de Jarabulus (nord). Jeudi, l'armée turque avait annoncé avoir mené une série de frappes contre ces milices kurdes dans la région d'Alep affirmant avoir tué jusqu'à 200 combattants.
Accusés par les Occidentaux de commettre des « crimes de guerre » à Alep, le régime du président Bachar al-Assad et son allié russe avaient suspendu mardi une offensive meurtrière lancée le 22 septembre pour reprendre les quartiers de la rébellion, avant que Moscou ne décrète la trêve. Car les bombardements intenses sur Alep-Est ont fait environ 500 morts et 2 000 blessés, selon l'ONU, entraînant également la destruction d'infrastructures civiles, notamment des hôpitaux. Samedi matin, un photographe de l'Agence France-Presse présent côté régime s'est rendu au passage de Boustane al-Qasr et a constaté que celui-ci était désert. Un scénario identique avait eu lieu jeudi et vendredi.
« Jusqu'à maintenant, personne n'est sorti par les couloirs », avait confirmé plus tôt dans la journée samedi à l'Agence France-Presse le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. « Des comités populaires civils venant des quartiers du régime sont entrés dans les quartiers est pour tenter d'évacuer des blessés, mais ils n'ont pas réussi », a-t-il ajouté. Les autorités russes et les médias étatiques syriens ont accusé les rebelles d'empêcher toute personne de quitter leur secteur, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov assurant même que les combattants avaient recours « aux menaces, au chantage et à la force brute » pour bloquer les couloirs.
L'ONU avait également prévu d'évacuer les premiers blessés vendredi, mais a finalement reporté ses opérations, car les « assurances concernant les conditions de sécurité » n'avaient pas été remplies. L'organisation internationale a toutefois demandé à la Russie de prolonger la trêve jusqu'à lundi soir. Selon l'ONU, 200 personnes blessées et malades doivent être évacuées de toute urgence des quartiers rebelles d'Alep. Au final, seuls huit rebelles blessés et sept civils ont emprunté les corridors humanitaires, indiquait vendredi soir à Moscou le général Sergueï Roudskoï, un haut responsable de l'état-major russe.
Ancienne capitale économique devenue un enjeu majeur de la guerre en Syrie, Alep est divisée depuis 2012 entre des quartiers ouest tenus par le régime et des zones est contrôlées par ses opposants. L'armée syrienne encercle les quartiers rebelles depuis début juillet. Dans la nuit de vendredi à samedi, des combats sporadiques et des tirs d'obus ont également opposé rebelles et forces du régime à la périphérie d'Alep, selon l'OSDH. « Le régime et les rebelles ont chacun renforcé leurs effectifs militaires, ce qui nous fait craindre, en cas d'un échec du cessez-le-feu, une vaste opération militaire », a prévenu Rami Abdel Rahmane.
Le général Roudskoï avait accusé vendredi les rebelles de « profiter du cessez-le-feu » pour préparer une offensive de grande ampleur. À New York, le Conseil de sécurité des Nations unies a reçu vendredi soir un rapport confidentiel concluant que l'armée syrienne avait mené une attaque à l'arme chimique, sans doute au chlore, à Qmenas, dans la province d'Idleb (Nord-Ouest), le 16 mars 2015. En revanche, les experts onusiens n'ont pas réuni de preuves suffisantes pour déterminer la responsabilité de deux autres attaques chimiques, à Binnish (même province) en mars 2015, et à Kafr Zita (province de Hama, centre) en avril 2014, selon le rapport dont l'Agence France-Presse a obtenu des éléments. Le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault a réclamé samedi que le Conseil de sécurité de l'ONU adopte une résolution condamnant l'usage d'armes chimiques en Syrie et prévoyant des « sanctions » contre les auteurs de ces actes « inhumains ».
Au total, sur les neuf attaques chimiques présumées étudiées par les experts, trois ont été attribuées au régime syrien et une au groupe État islamique, au gaz moutarde, à Marea, près d'Alep, en août 2015. Plus tôt dans la soirée, les Nations unies avaient annoncé avoir nommé une commission d'enquête « indépendante » sur l'attaque d'un convoi humanitaire le 19 septembre près d'Alep, qui avait fait au moins 18 morts.

(22-10-2016)

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