dimanche 22 mai 2016

Irak : Deux manifestants tués par les forces de l'ordre à Bagdad

Les autorités irakiennes ont annoncé samedi que les forces de sécurité avaient tué au moins deux personnes en dispersant la veille des manifestants qui avaient pénétré de force dans la Zone verte de Bagdad, des violences qui laissent craindre une possible escalade.
Ces deux victimes sont les premières d'un mouvement de protestation qui dure depuis plusieurs mois, mené par le dignitaire chiite Moqtada Sadr qui jouit d'une forte popularité auprès de milliers d'Irakiens excédés par la classe politique.
Leurs funérailles ont eu lieu dans la ville sainte de Najaf où reposent des millions de chiites irakiens.
"Les victimes ont été enterrées au cimetière de Wadi al-Salam (vallée de la paix, en arabe, l'un des plus grands cimetières du monde)", a indiqué cheikh Imad al-Kaabi, un responsable du mouvement sadriste.
"Des manifestants pacifiques ont été exposés à des tirs à balles réelles, en caoutchouc et des grenades lacrymogènes", s'est révolté Abou Mohammed, parent d'une des victimes.
Selon des responsable des services de sécurité et médicaux, 57 personnes ont été blessées dans la confrontation qui a opposé les partisans de M. Sadr aux services de sécurité qui essayaient de les empêcher de pénétrer dans la Zone verte, secteur ultra-sécurisé de Bagdad où se trouvent les principales institutions de l'Etat. Certains protestataires ont riposté en jetant des pierres et d'autres projectiles.
Faisant fi des grenades lacrymogènes, des bombes assourdissantes et des canons à eau, les manifestants avaient arraché les barbelés installés sur un des principaux ponts du Tigre, forçant l'entrée de la Zone verte et prenant brièvement d'assaut le bureau du Premier ministre Haider al-Abadi.
Les forces de sécurité ont également tiré à balles réelles lors de la manifestation, la plupart du temps en l'air.
Les responsables irakiens ont affirmé que les victimes avaient été tuées par balles.
Il s'agit de la seconde intrusion des partisans de Moqtada Sadr dans la Zone verte en trois semaines. Ils avaient occupé le Parlement fin avril.
Le Premier ministre irakien, auquel les manifestants réclament la mise en oeuvre des réformes promises durant l'été 2015, a critiqué l'assaut des protestataires tout en se disant solidaires de leurs revendications. "Prendre d'assaut des institutions de l'Etat (...) ne peut être accepté", a-t-il déclaré.
Moqtada Sadr a pour sa part mis en garde contre toute tentative de bloquer des "manifestations pacifiques".
"Aucune partie n'a le droit d'empêcher ça. Sinon, la révolution prendra une autre forme", a averti le chef chiite, qui réclame depuis des semaines des réformes visant à lutter contre la corruption, le népotisme et le clientélisme.
M. Abadi a tenté à plusieurs reprises de mettre en oeuvre le train de réformes qui, selon lui, permettrait de lutter efficacement contre la corruption.
Sa dernière tentative est la formation d'un nouveau gouvernement de technocrates. Mais de nombreux politiciens s'y opposent, redoutant la fin d'une attribution des ministères sur une base politique et confessionnelle qui leur assure des privilèges.
M. Abadi n'a pas les coudées franches à l'heure où les divisions entre groupes chiites armés s'accentuent et que ses forces sont engagées dans une opération militaire pour reprendre la deuxième ville du pays, Mossoul, fief de Daesh.
"Restaurer le calme est fondamental pour que l'Irak soit capable de trouver une solution politique fondée sur des discussions ouvertes" à tous, estime l'envoyé spécial de l'ONU pour l'Irak, Jan Kubis.
Kimberley Kagan, à la tête du Institute for the Study of War, est elle plus pessimiste, estimant que la crise est si profonde que chaque partie ne peut plus se contenter de sauver les apparences.
"Ce conflit va durer", dit-elle, "et il y aura des gagnants et des perdants".

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