vendredi 15 janvier 2016

Syrie : Le bouleversant récit de l'ONU, témoin de la famine à Madaya

"Il s'en est allé", déclare à voix basse la doctoresse après la mort d'inanition du jeune adolescent Ali. Le jeune garçon de 16 ans est décédé devant les représentants de l'Unicef, dont un médecin, dans le sous-sol d'une clinique de fortune de la localité syrienne assiégée de Madaya, près de Damas. Une évaluation médicale sur la famine est menée par l'Unicef dans cette cité assiégée par l'armée de Bachar el-Assad depuis six mois et qui compte 40 000 habitants, dont la moitié sont des enfants de moins de 18 ans.

Deux garçons « squelettiques »
« On nous a emmenés dans un sous-sol et nous avons vu deux adolescents partageant le même lit », raconte à l'AFP Hanaa Singer, la représentante de l'Unicef à Damas. Elle explique que les deux garçons étaient « squelettiques ». La doctoresse de cette agence de l'ONU s'est approchée de l'un d'eux, qui paraissait particulièrement faible. « Elle l'a examiné. Son pouls s'était arrêté. Elle a essayé de lui redonner vie. Une, deux, trois fois, puis elle m'a regardée et m'a simplement dit : Il s'en est allé. Elle lui a fermé les yeux », a-t-elle expliqué à l'AFP par téléphone.
Selon elle, le garçon qui partageait le lit avec Ali murmurait désespérément : « Est-il mort ? Est-il mort ? » « Ils semblaient être de bons amis. » La doctoresse lui a alors dit « tu dois faire attention à toi, ça va aller », a poursuivi Hanaa Singer.
La famille d'Ali, qui était à côté, semblait exténuée. « Ils ne pouvaient même plus exprimer leur tristesse. Ils pleuraient en silence et avec désespoir », poursuit la représentante de l'Unicef. Ali est la dernière personne en date à mourir de malnutrition à Madaya. Selon Médecins sans frontières (MSF), une vingtaine d'habitants sont morts de faim depuis le début de décembre.

« L'ampleur de la faim »
Les agences de l'ONU, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant-Rouge ont pénétré jeudi, pour la seconde fois en une semaine, à Madaya afin de distribuer une aide humanitaire et examiner la situation sanitaire des habitants.
« Ce que vous ressentez, c'est l'ampleur de la faim. Toutes les personnes que vous interrogez vous répondent qu'elles ont survécu avec de la soupe faite de beaucoup d'eau, d'épices, de feuilles et d'herbes », raconte Hanaa Singer. « Les convois ne sont pas suffisants dans de telles situations », insiste-t-elle, appelant à la levée de tous les sièges contre les civils.
« Les enfants mendient un morceau de pain. Certains viennent et s'excusent de vous avoir demandé à plusieurs reprises et après que vous leur avez répondu que vous n'en avez pas. Ils vous disent : Excuse-nous, tante (mot affectueux), de t'avoir demandé un morceau de pain », confie Hanaa Singer.


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