jeudi 11 avril 2013

Syrie : En marge du G8, l’opposition syrienne renouvelle sa demande d’armes (Assawra)

L’opposition syrienne a de nouveau tenté de convaincre les États-Unis de lui fournir des armes, mercredi lors d’une réunion à Londres avec le secrétaire d’État américain John Kerry, un appel qui coïncide avec l’annonce de l’allégeance à al-Qaida du Front djihadiste al-Nosra, en première ligne contre le régime syrien.
En marge du premier jour d’une rencontre des ministres des Affaires étrangères du G8 dans la capitale britannique, l’opposition syrienne, dont le Premier ministre de la rébellion, Ghassan Hitto, s’est entretenue avec John Kerry et plusieurs de ses homologues. Elle a de nouveau demandé, lors d’un déjeuner avec le secrétaire d’État américain, de recevoir des armes. Mais John Kerry, dont le pays fournit une importante aide humanitaire à la rébellion syrienne, mais pas d’aide militaire létale, "n’a rien promis", a indiqué un représentant de son ministère.
En revanche, le chef de la diplomatie américaine se rendra le 20 avril à Istanbul à une nouvelle réunion du groupe des Amis de la Syrie, formé de pays arabes et occidentaux opposés au régime de Bachar el-Assad, a annoncé une autre source au département d’État. La dernière grande réunion des Amis de la Syrie s’est tenue en février à Rome. Les entretiens de mercredi ont été organisés sous l’égide du Royaume-Uni, qui préside actuellement le G8 et milite pour une levée de l’embargo de l’Union européenne sur les livraisons d’armes aux forces de l’opposition syrienne.
La question qui divise ses partenaires est plus que jamais d’actualité après l’annonce mercredi de l’allégeance du Front djihadiste Al-Nosra à al-Qaida. La France, après avoir semblé être sur la même ligne que Londres, a indiqué qu’elle n’avait pas encore arrêté sa position. Elle a fait valoir qu’il fallait d’abord établir si on pouvait "avoir confiance" à l’opposition syrienne et a mis en avant le risque que les armes tombent aux mains des extrémistes.
"Nous étudions toujours une grande variété d’options, nous allons continuer à aider l’opposition, en travaillant avec elle pour discuter ce dont elle a besoin, et de ce que nous sommes prêts à fournir", a déclaré pour sa part mercredi un représentant du secrétariat d’État américain. "Nous avons besoin d’avoir en permanence ce genre de conversation, c’est la raison pour laquelle nous retournons à Istanbul", a-t-il encore dit. Interrogé la veille sur l’éventualité d’une aide militaire américaine à l’opposition, John Kerry avait souligné "qu’il revenait à la Maison-Blanche de faire ce genre d’annonce". Il avait par ailleurs réaffirmé sa préférence pour une solution diplomatique en Syrie.
Mercredi, un avion de l’armée syrienne a lâché cinq bombes aux abords d’un village du nord-est du Liban, sans faire de victimes, a indiqué un responsable militaire libanais à l’AFP. "Personne n’a été blessé" dans cette attaque aux abords du village de Sarjal Ajram, situé au nord-est de la localité libanaise d’Arsal, a précisé ce militaire sous le couvert de l’anonymat. La population d’Arsal est en majorité de confession sunnite et soutient la rébellion en Syrie contre le régime du président Bachar el-Assad, dominé par la minorité alaouite.
Le conflit opposant le régime du président Assad aux rebelles syriens, qui a fait 70 000 morts en deux ans selon l’ONU, devait être "la priorité" du dîner mercredi soir entre les ministres du G8 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Japon et Russie) et de leur réunion jeudi, selon le chef de la diplomatie britannique William Hague. Washington voudrait parvenir à assouplir la position de Moscou, allié indéfectible du régime de Damas depuis le début du conflit. Une "déclaration assez forte" devrait clore la réunion jeudi à Londres, selon un haut représentant de l’administration américaine, qui a toutefois reconnu que le texte avait fait l’objet de "vives discussions", en raison notamment des objections russes.
Les ministres des Affaires étrangères du G8 devraient également se pencher sur la crise avec la Corée du Nord, qui menace de lancer une guerre "thermonucléaire", et la situation en Iran, dont le programme nucléaire suscite les craintes renouvelées de la communauté internationale. Mercredi, les États-Unis se sont ainsi dits "très inquiets" de l’inauguration par Téhéran de deux mines d’extraction et d’un complexe de production d’uranium. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a lui mis en garde contre les "manoeuvres militaires" dans la crise nord-coréenne, mais insisté sur le fait que Moscou et Washington étaient sur la même longueur d’onde à ce sujet.
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Les raids aériens contre les civils ont fait des milliers de morts
Une organisation internationale de défense des droits de l’homme a accusé l’aviation syrienne d’avoir bombardé des boulangeries, hôpitaux et autres cibles civiles, et cette ONG a appelé à l’arrêt de ces raids meurtriers contre les civils, qu’elle qualifie de crimes contre l’humanité.
"Les raids ordonnés par le gouvernement, qui tuent délibérément et de manière indiscriminée des civils, semblent s’inscrire dans (une stratégie) d’attaques multiples et systématiques contre la population civile que nous jugeons être des crimes contre l’humanité", a assuré Human Rights Watch. "Les personnes qui commettent intentionnellement des violations sérieuses des lois de la guerre sont coupables de crimes de guerre", ajoute cette organisation basée à New York dans un rapport intitulé "la mort venue des cieux".
S’appuyant sur une enquête de terrain dans des zones contrôlées par les rebelles dans trois provinces syriennes, HRW fait état du bombardement de quatre boulangeries, de deux hôpitaux ainsi que d’autres cibles civiles. L’hôpital Dar al-Shifa, dans la ville septentrionale d’Alep, a ainsi été la cible de quatre attaques, selon cette organisation. "Village après village, nous avons trouvé une population terrifiée par son aviation", souligne Ole Solvang, chercheur dans le département des urgences de HRW. "Ces raids illégaux, qui tuent et blessent beaucoup de civils, visent à susciter des destructions, la peur et des déplacements de population", ajoute-t-il.
Citant un réseau de militants, HRW assure que "les raids aériens ont tué plus de 4 300 civils à travers la Syrie depuis juillet 2012", date du début des attaques par l’aviation. L’organisation fait également état de l’utilisation de munitions à haute teneur explosive qui détruisent parfois plusieurs maisons en une seule attaque.
Un habitant d’Azaz, dans le Nord, a indiqué à HRW qu’au moins 12 membres de sa famille avaient été tués dans le seul bombardement de leur domicile le 15 août dernier. "J’ai enterré 12 membres de ma famille, dont mon père, ma mère, ma soeur et ma belle soeur. Walid, mon frère, a été déchiqueté et je ne l’ai pas tout de suite reconnu. Nous avons enterré les enfants de mon frère aussi. Le plus jeune n’avait que 40 jours", a assuré l’homme qui s’est présenté sous le nom d’Ahmed. Une des armes utilisées dans l’attaque d’Azaz était une bombe à fragmentation dont "le rayon de nuisance peut atteindre 155 mètres", assure HWR. L’armée syrienne a également recours à d’autres types d’armements, comme des bombes à sous-munitions, des missiles balistiques et des engins incendiaires, selon l’organisation.
HRW a appelé la communauté internationale à aider à mettre fin aux violations qui se produisent en Syrie. "Au vu des preuves récoltées, HRW appelle tous les gouvernements et entreprises à cesser de vendre et de fournir des armes, des munitions et du matériel à la Syrie jusqu’à ce que le gouvernement cesse de commettre ces crimes", écrit l’ONG. Reconnaissant que les veto de la Russie et de la Chine ont jusqu’à présent bloqué toute action internationale en Syrie, Ole Solvang assure que cela ne doit pas "empêcher ces gouvernements d’accroître leurs efforts de pression sur le gouvernement syrien pour qu’il cesse ces violations".

(11-04-2013 - Assawra avec les agences de presse)

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