lundi 15 avril 2013

Israël : Embarrassantes précautions en marge de la visite de Peres (Aziz Zemouri)

Le 8 mars, le président israélien Shimon Peres a effectué une visite de 24 heures en France dans le cadre d’une tournée européenne. Selon un communiqué du syndicat SUD-Rail, son arrivée en gare du Nord en provenance de Bruxelles a donné lieu à une sélection du personnel pour le moins étonnante. "Pour son arrivée en gare du Nord, la SNCF a commandé 3 porteurs à sa filiale Itiremia afin de s’occuper des bagages de la délégation israélienne. La veille, le responsable de site s’était lancé dans un étrange marché au sein du personnel, excluant les Noirs et [les] Arabes, car il ne fallait pas de salariés musulmans pour accueillir le chef d’État israélien", peut-on lire dans ce communiqué. "Pour cette mission, les consignes ont été très claires : il ne fallait ni Noirs ni Arabes", confirme au Point Zachée Lapée, représentant du personnel au conseil d’administration d’Itiremia, une filiale de la SNCF, chargée des voyages collectifs, du transport des bagages et de la sécurisation des voies.

Selon le communiqué, une enquête menée par le CHSCT est actuellement diligentée au sein de l’entreprise afin d’établir les responsabilités dans l’organisation de cette mission jugée discriminatoire à la gare du Nord lors de l’accueil du chef de l’État. Yacine Chaoui, membre de cette commission d’enquête, est encore plus précis : "Quelques jours avant le 8 mars, on disait pas de Noirs et pas d’Arabes. Ensuite, au plus près de l’échéance, c’est devenu pas de musulmans."

Selon nos informations, le management de la filiale de la SNCF a opéré dès le 6 mars un changement de planning afin qu’aucun salarié musulman ne se retrouve au contact de la délégation israélienne en provenance de Bruxelles à 10 h 35. En revanche, personne ne connaît avec certitude la chaîne des responsabilités qui a abouti à cette décision. D’après le Daily Mail dimanche, la SNCF avait d’abord évoqué une consigne du ministère de l’Intérieur, puis de la délégation israélienne.

Contactée par Le Point, l’ambassade d’Israël a réfuté catégoriquement avoir effectué une telle demande auprès de la SNCF. "Nous n’avons pas eu besoin de faire appel à une société de bagages, ils ont été acheminés par camion depuis Bruxelles. Shimon Peres est venu à Paris aussi pour dialoguer avec des musulmans. Il a d’ailleurs rencontré des imams à cette occasion, le 10 mars", ajoute Yaron Gamburg, porte-parole de la chancellerie israélienne.

Pour ce cadre d’Itiremia, cela ne change rien : "Ce n’est pas seulement la prise en charge de la délégation israélienne qui fait polémique chez nous. Nous nous occupons aussi des voyageurs handicapés. Si, par exemple, sur ce Thalys, il y avait une personne à mobilité réduite, sa prise en charge n’a pas pu se faire, ce jour-là, par un salarié d’apparence musulmane en raison de la présence d’officiels israéliens. Qui a donné cet ordre absurde ? Je l’ignore."

Si les investigations internes se poursuivent - l’enquête devrait être terminée lundi 15 avril -, les représentants des personnels se plaignent du manque de coopération de la direction d’Itiremia et de la SNCF. Plusieurs demandes de documents ont en effet été transmises sans résultat, plus d’un mois après le déroulement des faits. En effet, lorsque la SNCF recourt aux services de sa filiale, un bon de commande est établi avec les détails de la prestation. "Si nous n’obtenons pas les documents relatifs à cette mission, la justice sera saisie", prévient Zachée Lapée.

Joint sur son portable, Patrick Vidal, le responsable d’Itiremia sur le site de la gare du Nord, s’est refusé à tout commentaire, renvoyant la balle à Laurent Trevisani, le directeur stratégique de la SNCF. Contacté par mail puis par téléphone, le service de presse de la SNCF n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations avant la mise en ligne.
(15-04-2013 - Aziz Zemouri)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire