dimanche 14 avril 2013

Irak : le chef du Kurdistan s’accroche au pouvoir, ses opposants s’insurgent

Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien, aime à vanter la stabilité et la démocratie qui règnent dans sa région. Mais ses adversaires sont vent debout contre le projet qu’il caresse de briguer un troisième mandat, craignant une dérive "dictatoriale".
D’ici au 8 septembre, les 2,5 millions d’électeurs de la région autonome, qualifiée parfois de "Suisse d’Irak" car exempte des violences qui ensanglantent le reste du pays, doivent renouveler leurs assemblées provinciales, leur parlement régional et élire leur président.
C’est ce dernier poste qu’entend bien conserver Massoud Barzani, 66 ans, au grand dam de ses adversaires qui crient à l’usurpation.
"Nous ne voulons pas que Barzani reste au pouvoir. Nous ne voulons pas qu’il soit en mesure de briguer un troisième mandat", explique Youssouf Mohammed, un des ténors de Goran, le principal parti d’opposition de la région.
Sur le papier, le président de la région autonome a droit à seulement deux mandats. Or Massoud Barzani a accédé au pouvoir en 2005, porté par les élus du Parlement régional, et non par le suffrage universel, comme c’est désormais la règle.
Son deuxième mandat, entamé en 2009, touchant à sa fin, toute la question est de savoir si le premier compte comme un mandat à part entière, auquel cas il devrait céder la place, ou s’il peut à nouveau faire acte de candidature, comme le pensent ses amis.
"Nous examinons les voies légales qui permettraient au président Barzani de se représenter", souligne Jafar Aïminki, porte-parole du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de M. Barzani.
Ce dernier peut compter sur un rapport de force en sa faveur au Parlement régional. Le PDK et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) du président irakien Jalal Talabani, qui font front commun, totalisent 59 des 111 sièges.
Goran Azad, l’une des rares voix discordantes au sein de l’UPK, qualifie sans ambages la manoeuvre d’"illégale. Il n’a aucun droit de se présenter".
Mais c’est sans compter avec la popularité de Massoud Barzani. Réélu avec 69,6% des voix en 2009, il peut se targuer d’être à la tête d’une oasis de calme et de relative prospérité dans un Irak qui, dix ans après son invasion, se débat toujours avec des attentats quotidiens et une crise politique à n’en plus finir.
La région, composée des provinces d’Erbil, Souleimaniyeh et Dohouk, jouit d’une grande autonomie et fait de plus en plus cavalier seul dans la conduite de ses affaires, provoquant la colère de Bagdad. Le gouvernement irakien lui reproche notamment de signer des contrats avec des compagnies pétrolières étrangères en se passant de l’accord du ministère du Pétrole.
A l’échelle régionale, les plus critiques accusent l’UPK et le PDK de corruption et de népotisme.
En février, l’organisation Human Rights Watch a accusé les autorités de museler la liberté d’expression et de maintenir des journalistes, des opposants et des militants en détention sans inculpation.
"Les autorités régionales se rapprochent d’une dictature. Elles ne font aucun cas des demandes des citoyens", tonne Salaheddine Bahaddine, ancien dirigeant de l’Union islamique du Kurdistan.
Si Massoud Barzani "n’abandonne pas (ses projets), il connaîtra le même sort que les dictatures de la région", assure-t-il dans une référence implicite aux régimes égyptien, libyen, tunisien et yéménite, tombés à la faveur de soulèvements.
Et pour Ahmed Mira, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Levine, une nouvelle candidature de M. Barzani "serait un pas en arrière pour toute la région qui se fermerait. Comme une dictature".

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