vendredi 16 septembre 2016

Syrie : L'ONU exhorte Damas à autoriser l'aide après l'extension de la trêve

L'envoyé spécial de l'Onu pour la Syrie Staffan de Mistura à l'issue d'une réunion du groupe de travail sur l'aide humanitaire en Syrie, à Genève le 15 septembre 2016 (Afp)

L'ONU a exhorté jeudi Damas à autoriser "immédiatement" la distribution de l'aide humanitaire aux villes syriennes assiégées, qui reste bloquée malgré la prolongation de la trêve des combats pour 48 heures.
L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a exprimé sa frustration jeudi face à l'impossibilité de distribuer la nourriture aux centaines de milliers de Syriens qui l'attendent.
"Nous avons besoin de la permission finale. C'est quelque chose qui est nécessaire immédiatement", a déclaré M. de Mistura devant la presse à Genève. "C'est particulièrement regrettable, nous perdons du temps. La Russie est d'accord avec nous sur ce point", a-t-il ajouté.
Cet appel fait suite à celui du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui avait demandé mercredi à Washington et Moscou de contribuer à débloquer la livraison de l'aide humanitaire.
Le blocage concerne en particulier Alep, la grande ville divisée du nord, où l'impatience croît chez les 250.000 habitants qui y sont assiégés dans les quartiers rebelles depuis deux mois et qui manquent de tout.
"A quoi sert le prolongement de la trêve si nous restons assiégés?", s'écrie Abou Ibrahim, un habitant du secteur qui n'a pas reçu d'aide internationale depuis le 7 juillet. "Avant, nous mourrions des bombardements, aujourd'hui nous allons mourir de faim", se lamente cet homme de 53 ans.
Les armes se sont pourtant tues à Alep comme sur les autres fronts depuis l'entrée en vigueur, lundi soir, de la trêve décidée par les Etats-Unis et la Russie.
D'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), "aucun mort parmi les civils ou les combattants n'étaient à déplorer depuis lundi" dans les zones concernées par la trêve, c'est-à-dire excluant celles où sont actifs les groupes jihadistes.
Constatant la baisse notable des violences, le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov se sont mis d'accord mercredi pour renouveler le cessez-le-feu pour 48 heures supplémentaires, jusqu'à vendredi soir, comme le préconise l'accord qu'ils ont négocié.
L'armée russe a cependant accusé jeudi les États-Unis de ne pas remplir leur part des engagements prévus par l'accord en ne faisant pas assez pression sur les rebelles pour qu'ils prennent leurs distances avec les jihadistes.
"Il semble que l'objectif d'+écran de fumée verbal" de Washington soit de cacher le fait qu'il ne remplit pas sa part des engagements, en premier lieu sur la séparation des rebelles modérés d'avec les terroristes", a accusé le porte-parole du ministère de la Défense.
Selon l'ONU, une quarantaine de camions transportant de l'aide destinée à 80.000 habitants d'Alep restaient bloqués à la frontière turco-syrienne.
"Dès que nous aurons le feu vert, nous enverrons 20 camions, puis 20 autres le jour d'après", a précisé David Swanson, un porte-parole de l'agence de l'ONU Ocha, à Gaziantep (Turquie). "Le voyage n'est que de 70 km mais, étant donné qu'il s'agit d'une zone de combats et que les routes sont en mauvais état, cela devrait prendre quatre à cinq heures", a-t-il ajouté, en jugeant "très improbable" que les convois puissent partir jeudi.
Pour entrer dans Alep, les camions doivent emprunter la route du Castello, un axe au nord de la ville qui doit être "démilitarisé" avant tout passage de convois.
Or jeudi, l'armée syrienne se trouvait toujours sur cette route alors que, selon les Russes, elle aurait dû s'en retirer à 09H00 locales (06H00 GMT).
Son maintien s'explique, selon l'OSDH, par la présence de combattants rebelles à proximité.
Moscou, allié du régime, a par ailleurs prévenu que des obus de mortier lancés par les rebelles sur la route faisaient peser une menace sur le retrait des troupes" syriennes.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a signalé que l'arrivée de l'aide était un "test" clé de la solidité de l'accord russo-américain. "Sinon l'annonce d'un cessez-le-feu ne sera pas crédible", a-t-il prévenu.
"On ne veut pas juste l'arrêt des bombes. On veut des légumes et de carburant", a déclaré à l'AFP Moustapha Morjane, un habitant de 30 ans du quartier rebelle d'Alep de Zabdiyé. "Comment cuisiner pour nos enfants si nous n'avons pas de carburant?".
La trêve a été obtenue après des semaines de discussions entre Washington et Moscou, soutiens respectifs de la rébellion et du régime. Elle vise à favoriser une reprise du processus de négociation pour mettre fin au conflit qui a fait plus de 300.000 morts et des millions de déplacés et de réfugiés depuis mars 2011, selon l'OSDH.
La rébellion, affaiblie sur le terrain, n'a pas donné son accord formel à la trêve.
Comme lors de la précédente trêve fin février, les groupes jihadistes comme l'organisation Daesh qui se prétend Etat islamique (EI) et Front Fateh al-Cham (ex-Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda) sont exclus du cessez-le-feu.

(15-09-2016)

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