lundi 19 septembre 2016

Israël : Ofer, la prison israelienne qui pourrait inspirer la France... (Danièle Kriegel)

Régulièrement des Palestiniens emprisonnés sans procès entament des grèves de la faim, pour réclamer d'être traduits en justice en bonne et due forme, ou d'être libérés.

Il l'avait annoncé et il l'a fait. Georges Fenech a profité de ses 48h en Israël - il était l'invité de la conférence sur le contre-terrorisme organisée au centre universitaire d'Herzlia - pour se rendre à la Prison israélienne d'Ofer. Son objectif : étudier la procédure de détention administrative dont Les Républicains prônent l'adoption par la France, malgré la controverse qu'elle suscite dans de nombreux pays et pas seulement en Europe. La visite a eu lieu jeudi dans la matinée. Selon le quotidien en langue anglaise, The Jerusalem Post, le député LR a aussi assisté à une audience du tribunal militaire, situé dans l'enceinte de la prison, et rencontré son président, le colonel Netanel Benishou. On n'en sait pas plus. Le porte-parole de l'armée s'est refusé à tout commentaire. Quant à l'ambassade de France à Tel-Aviv, elle a tenu à souligner qu'elle n'était en rien impliquée dans l'organisation de cette visite effectuée par George Fenech en sa qualité de parlementaire français.
Héritée des lois d'exceptions promulguées par l'occupant britannique avant la création d'Israël, la détention administrative permet de maintenir un individu derrière les barreaux, sans mise en accusation et sans procès.

Une détention néanmoins contrôle par le juge
En Cisjordanie les choses se passent de la façon suivante : sur la base du décret militaire 1651, le général commandant le secteur a le pouvoir d'ordonner l'arrestation d'une personne et sa mise en détention pour six mois, s'il y a des raisons de croire qu'elle peut mettre en danger la sécurité régionale ou celle du public. Le suspect doit être présenté à un juge militaire ayant au moins le grade de commandant et cela dans les huit jours suivant son arrestation. L'audience a lieu à huis-clos, donc sans présence du public ou de la famille. Seuls sont présents le procureur militaire, le suspect, son avocat et souvent le représentant du service de sécurité ad hoc, en l'occurrence le Shin Beth.
Le juge peut décider d'approuver, annuler ou raccourcir la période de détention. Il est le seul à avoir accès au dossier secret présenté par les autorités. La mesure est renouvelable tous les six mois. Mais uniquement sur décision de justice. Le détenu et également l'administration militaire ont la possibilité de faire appel, voire de s'adresser à la Haute Cour de Justice israélienne. En d'autres termes, une personne peut être emprisonnée pendant des mois, sinon des années, sans savoir de quoi on l'accuse.

700 Palestiniens sont en détention administrative
Les autorités israéliennes justifient cette procédure en se fondant sur un article de la 4ème Convention de Genève sur la protection des civils en temps de guerre selon lequel « la puissance occupante a le droit de détenir des personnes en détention administrative, si elle estime que c'est indispensable pour des raisons de sécurité et dans le cadre des mesures destinées à protéger des personnes ». Dans ce cas, un individu peut être assigné à résidence ou interné. Une interprétation dénoncée par les ONG des défenses de droits de l'Homme. Elles considèrent qu'il s'agit trop souvent d'une forme de punition collective violant plusieurs dispositions des Conventions de Genève. Par exemple, le droit des détenus à recevoir des visites de leur famille ou celui d'être séparés des autres prisonniers qui ont, eux, été condamnés. B'Tselem, le centre israélien pour les Droits de l'Homme dans les Territoires occupés, critique à intervalle régulier ces procédures. Le bureau des droits de l'Homme de l'ONU relève que, aujourd'hui, sur 7 000 palestiniens détenus, environ 700 sont en détention administrative. Ce serait le nombre le plus élevé depuis 2008.
Régulièrement des Palestiniens emprisonnés sans procès entament des grèves de la faim, pour réclamer d'être traduits en justice en bonne et due forme, ou d'être libérés. Le dernier en date : Bilal Kayed, 34 ans. A la mi-juin, il devait retrouver la liberté, après avoir purgé une peine de 14 ans et demi de prison. Mais les autorités ont décidé de le placer en détention administrative. Il a suspendu sa grève de la faim au bout de 71 jours, après avoir obtenu l'assurance que sa détention administrative ne serait pas renouvelée, qu'il ne serait plus placé à l'isolement et que sa famille pourrait lui rendre visite
Des israéliens juifs peuvent être également soupçonnés de terrorisme anti palestinien et placés en détention administrative. Ainsi, il y a quelques mois, ils étaient trois à faire l'objet de cette mesure. Le dernier a été relâché, il y a deux mois et demi, après avoir passé 10 mois en prison.

(17-09-2016 - Par Danièle Kriegel)

1 commentaire:

  1. Ofer ! Une prison modèle ?

    Dite de sécurité, la prison Ofer est située en Cisjordanie, à une vingtaine de kilomètres de Jérusalem, non loin de Ramallah. Autrement dit, en zone C, sous le contrôle total d'Israël.
    Aujourd'hui, 1 250 prisonniers palestiniens y sont détenus, qu'ils aient été condamnés ou placés en détention administrative. Au-delà de l'espace proprement carcéral, se trouve le tribunal militaire.
    Ouverte en Décembre 1988 dans le sillage de la 1ere Intifada, elle a été fermée en 1995 après les accords d'Oslo. Puis rouverte en 2002, toujours sous le contrôle de l'armée. En Octobre 2006, Ofer change de main pour être gérée par les services de l'Administration pénitentiaire.

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