vendredi 16 septembre 2016

Libye: Un rapport parlementaire britannique accable Sarkozy et Cameron (Paul Aveline)

Cinq ans après l'intervention militaire qui a plongé la Libye dans le chaos, les parlementaires britanniques étrillent les principaux responsables de l'opération: David Cameron et Nicolas Sarkozy.
Quelles étaient les motivations de la France et du Royaume-Uni pour intervenir militairement en Libye? En 2011, il s'agit officiellement d'éviter que Benghazi, ville rebelle du nord du pays, ne subisse le martyre que lui réserve Mouammar Kadhafi, implacable dictateur qui règne sur la Libye depuis 41 ans. Pour les parlementaires britanniques qui ont enquêté sur la question, ni David Cameron, ni Nicolas Sarkozy n'ont agi par souci humanitaire.
Le premier à subir les foudres des parlementaires britanniques est David Cameron, Premier ministre au moment de l'intervention militaire. En creux, les membres de la commission d'enquête l'accusent d'avoir agi en amateur en Libye. Le rapport parlementaire dénonce ainsi "une compréhension très limitée des événements" et des responsables "qui ne se sont pas vraiment souciés de surveiller de près ce qu'il se passait".
Plus loin dans leur rapport, les parlementaires mettent en doutent la raison même pour laquelle la France et le Royaume-Uni sont intervenus en Libye: le possible massacre de Benghazi. Ville côtière, Benghazi est en mars 2011 aux mains des rebelles qui disputent le pouvoir au Colonel. Alors que la communauté internationale imagine déjà le bain de sang que vont y perpétrer les forces du dictateur, Paris et Londres décident d'intervenir par voie aérienne, avec l'aval de l'ONU. Mais pour les auteurs du rapport, l'histoire de Kadhafi aurait pu pousser les dirigeants franco-britanniques à réfléchir autrement:
"Plusieurs exemples dans le passé auraient pu indiquer la manière dont Kadhafi allait se comporter. (...) En 1980, Kadhafi a passé six mois à pacifier les rapports entre les tribus de la Cyrénaïque. Il y a fort à parier que sa réponse (au soulèvement de Benghazi, Ndlr) aurait été très prudente... La peur d'un massacre de civils a été largement exagérée" note le rapport.
Plus troublant encore, le rapport retranscrit une conversation avec un membre des services secrets américains, expliquant avoir discuté avec l'un de ses homologues français à propos de l'engagement français en Libye.

Pour les Britanniques, la France n'est pas intervenue pour sauver Benghazi, mais pour cinq autres raisons, bien différentes:
- S'emparer d'une partie de la production de pétrole libyenne
- Augmenter l'influence française en Afrique du Nord
- Améliorer la popularité de Nicolas Sarkozy en France
- Replacer l'armée française au centre de l'échiquier stratégique mondial
- Répliquer à la volonté de Kadhafi de remplacer la France comme puissance dominante en Afrique francophone

Cinq ans plus tard, note le rapport, la Libye est au bord du gouffre. Reprenant un rapport d'Human Rights Watch, les parlementaires notent que plus de deux millions de personnes nécessitent une aide humanitaire, que 400.000 Libyens ont été déplacés de force, et que les forces militaires en présence continuent de se livrer à de multiples exactions contre les populations civiles et combattantes.


(15-09-2016 - Paul Aveline)

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