"C’est comme s’ils avaient été enlevés dans notre salon, sur une
route où tout le monde circule sans penser au danger" : le rapt de trois
jeunes Israéliens il y a une semaine ramène brutalement les colons à la
réalité du conflit avec les Palestiniens.
"Cet enlèvement a été une onde de choc pour tous les habitants du Goush
Etzion", explique à l’AFP David Perel, le président du Conseil régional
de ce bloc de colonies en Cisjordanie occupée, au sud de Jérusalem.
Selon les services de sécurité israéliens, Eyal Yifrach (19 ans),
Naftali Frenkel (16 ans) et Gilad Shaer (16 ans) ont disparu à un arrêt
pour auto-stoppeurs près de Kfar Etzion, la colonie où deux d’entre eux
étudiaient.
Pour les colons, l’auto-stop est un moyen de transport très courant.
"Nous réclamons depuis longtemps du gouvernement plus d’argent pour les
transports en commun mais l’auto-stop est un moyen de voyager que nous
n’abandonnerons pas", assure David Perel.
"Le danger peut venir de n’importe où", y compris en Israël,
rappelle-t-il : "Il y a eu des attentats à Tel-Aviv et à Haïfa, des
roquettes sur le sud et des mitraillages de voitures ailleurs".
En tout cas, Hadas Halpert, 17 ans, ne renoncera pas à faire du stop.
"La vie normale doit continuer", témoigne cette jeune fille en guettant
une voiture pour rentrer dans la colonie où elle habite.
"Nous ne pouvons pas leur donner cette victoire", ajoute-t-elle en
parlant des "terroristes qui veulent nous empêcher de vivre ici".
"Je n’ai pas peur. L’essentiel est de continuer la routine même si on
pense désormais davantage aux risques", renchérit Amir Gourevitch, un
enseignant de 33 ans, qui attend lui aussi un véhicule pour rejoindre sa
colonie.
Les colons ont reçu des courriels des autorités locales les incitant à
la prudence, et la direction de la yeshiva (école talmudique) Mekor Haïm
où étaient inscrits deux des disparus a formellement interdit
l’auto-stop à ses élèves.
Proche de Jérusalem, Kfar Etzion, première colonie de Cisjordanie, a été
construite en septembre 1967 sur les ruines d’un kibboutz détruit par
l’armée jordanienne lors de la première guerre israélo-arabe en 1948.
Autour d’elle s’est développé le bloc colonies du Goush Etzion, avec ses
20.000 habitants, souvent attirés par une vie à la campagne, des prix
bien plus avantageux qu’en Israël et une relative sécurité par rapport
aux colonies isolées au coeur de la Cisjordanie.
Au supermarché local, 40% des employés sont palestiniens. Plusieurs
centaines d’ouvriers palestiniens travaillent chaque jour dans le Goush
Etzion.
Face aux appels de responsables des colons à des représailles, y compris
en chassant les travailleurs palestiniens, Oded Revivi, le maire
d’Efrat, 8. 000 habitants, l’une des colonies du Goush Etzion, a appelé à
reprendre une vie normale.
"Ce genre d’action ne fait que renforcer la haine et la peur. Nos
voisins ne sont pas responsables de cet acte terroriste", a expliqué
M. Revivi dans une lettre publique.
Des affiches avec l’inscription "Bring Back Our Boys" ("ramenez nos
garçons") en anglais et en hébreu sont accrochées dans tout le Goush
Etzion, et les écoles locales multiplient les réunions d’information et
les prières collectives.
"Nous allons nous renforcer, continuer de construire et affirmer à la
face du monde que nous sommes ici pour toujours", promet le président du
Conseil régional.
La communauté internationale condamne la colonisation, illégale au
regard du droit international et un des principaux contentieux avec les
Palestiniens, bien que le Goush Etzion fasse partie des blocs de
colonies qu’Israël pourrait garder moyennant un échange de territoires
en cas d’accord de paix.
"Nous attendions-nous à ce que tous les Palestiniens restent sagement
assis, acceptant d’être défaits, pendant que l’occupation israélienne se
renforce ?", s’interrogeait cette semaine le directeur de l’ONG
anti-colonisation La Paix Maintenant, Yariv Oppenheimer.
"Que pensions-nous ? Que la tranquillité serait préservée pour toujours
et que le bloc du Goush Etzion deviendrait un site touristique pastoral
sans la moindre trace des Palestiniens ?", poursuivait-il, estimant que
la situation "nous a explosé à la figure".
(20-06-2014 - Assawra)
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