Depuis mardi, ces combattants islamistes - exclus du réseau al-Qaida car jugés comme trop radicaux - se sont emparés, dans le nord du pays, de la deuxième ville d’Irak, Mossoul, de sa province, Ninive, et de secteurs dans deux provinces proches, Kirkouk et Salaheddine, majoritairement sunnites. Mercredi, ils ont pris Tikrit, à 160 km au nord de Bagdad, et avançaient vers la capitale. Ils ont en outre tenté, en vain, de prendre Samarra, à une centaine de kilomètres de Bagdad, selon des témoins. L’EIIL a, en revanche, pris en otages 49 Turcs au consulat de Turquie à Mossoul, parmi lesquels le consul et des membres des forces spéciales, de même que 31 chauffeurs de poids-lourds turcs dans cette province.
Le Conseil de sécurité des Nations unies se réunira à huis clos à partir de 11 h 30 (15 h 30 GMT) pour discuter de la situation en Irak. L’envoyé spécial de l’ONU en Irak, Nickolay Mladenov, y interviendra par vidéoconférence. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a lancé un appel à la solidarité internationale avec l’Irak. Il a également réclamé la libération immédiate et sans conditions de la cinquantaine de citoyens turcs pris en otages au consulat de Mossoul.
Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a menacé l’EIIL des "représailles les plus sévères" s’il leur est fait le moindre mal. L’Iran chiite mais aussi les États-Unis ont apporté leur soutien au gouvernement de Nouri al-Maliki face au "terrorisme". "Les États-Unis soutiendront les dirigeants irakiens alors qu’ils forgent l’unité nationale nécessaire pour remporter le combat contre l’EIIL", a affirmé le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney dans un communiqué.
L’Irak a de son côté officieusement indiqué aux États-Unis qu’il était ouvert à l’idée de frappes aériennes américaines afin d’enrayer l’offensive djihadiste, a affirmé mercredi un responsable américain, confirmant une information du Wall Street Journal. L’administration du président Obama envisage plusieurs options pour aider Bagdad, éventuellement par le biais de frappes effectuées par des drones, selon ce responsable qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat. La diplomatie américaine s’est défendue d’avoir été prise par surprise, affirmant avoir exprimé depuis des mois ses "inquiétudes" à propos de la "menace terroriste" que fait peser l’EIIL pour toute la région.
En conséquence, Washington "se tient prêt" à venir en aide à Bagdad face à "l’agression" de l’EIIL, a déclaré la porte-parole du département d’État Jennifer Psaki, annonçant "une augmentation de l’assistance" américaine. Mais en aucun cas les États-Unis "n’envisagent" de renvoyer des troupes au sol en Irak, selon Jennifer Psaki, après le départ le 31 décembre 2011 du dernier soldat américain, au terme d’un très lourd engagement militaire des États-Unis pendant huit ans. En 2011, Bagdad et Washington n’étaient pas parvenus à s’entendre sur le maintien d’un contingent américain en Irak et beaucoup s’étaient alors alarmés d’une nouvelle poussée des violences une fois les Américains partis. Washington a par la suite englouti des dizaines de milliards de dollars pour former et équiper les forces armées irakiennes, celles-là mêmes qui ont visiblement fui devant les djihadistes.
L’EIIL, qui ambitionne d’installer un État islamique, a prévenu qu’il "n’arrêtera pas la série d’invasions bénies". Le groupe contrôlait déjà des secteurs de la province occidentale d’Al-Anbar à la frontière syrienne. Accusé d’abus en Syrie, il y tient de larges secteurs de la province pétrolière de Deir Ezzor (nord-est), faisant craindre une unité territoriale avec le Nord-Ouest irakien. Symboliquement, le groupe a diffusé mercredi sur Internet des photos de djihadistes créant une route entre la Syrie et l’Irak en aplanissant au bulldozer un mur de sable. Impuissant et miné par des clivages confessionnels, le gouvernement irakien a appelé le Parlement, qui se réunit jeudi, à décréter "l’état d’urgence". Mais face à l’avancée dans le Nord des combattants djihadistes aguerris, soldats et policiers ont montré peu de résistance, le gouverneur de Ninive, Athil al-Noujaïfi, accusant les commandants militaires d’avoir abandonné le champ de bataille.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), "plus de 500 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur et autour de Mossoul", qui compte habituellement deux millions d’habitants. À 50 kilomètres de Mossoul, des files interminables d’hommes, femmes et enfants attendaient à un barrage kurde pour obtenir un permis de séjour pour passer au Kurdistan autonome. Arrivée avec sa famille, Zahra Chérif, 39 ans, explique avoir "quitté la ville par peur des massacres si l’armée lance un assaut sur la ville" pour la reprendre à l’EIIL. Dans Mossoul, les combattants, vêtus d’uniformes militaires ou de tenues noires, le visage découvert, étaient positionnés près des banques, des administrations publiques et au siège du Conseil provincial, selon des témoins. Selon des experts, l’EIIL est constitué en grande partie en Irak d’ex-cadres et membres des services de sécurité de Saddam Hussein ayant rejoint la rébellion après l’invasion américaine de 2003.
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