Avec la prise de Mossoul, les jihadistes de l’Etat islamique en Irak
et au Levant (EIIL) touchent le jackpot, complétant leurs revenus issus
principalement d’activités criminelles avec le pactole des liquidités
bancaires de la deuxième ville d’Irak.
"C’était un sacré jour de paye", déclare Toby Dodge, directeur du centre
du Moyen-Orient à la London School of Economics, au sujet de la prise
de Mossoul par les combattants ultra-radicaux de l’EIIL le 10 juin.
En quelques jours d’une offensive fulgurante, l’EIIL a mis la main sur
de larges portions de territoires, conquérant, outre Mossoul, une grande
partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d’autres secteurs des
provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord), et
avançant désormais à l’ouest.
Mais en plus des territoires, des véhicules, des armes et équipements
militaires, les insurgés ont aussi mis la main sur de véritables
fortunes.
L’EIIL disposait déjà de solides ressources financières issues de ses
activités criminelles -comme l’extorsion de fonds ou les enlèvements
pour obtenir des rançons- et de donations privées venues des pays du
Golfe. Mais à Mossoul, il a touché le jackpot.
Selon le chef du conseil provincial de Ninive Bashar Kiki, les réserves
en liquide des banques de la ville atteignaient environ 400 millions de
dollars (294 millions d’euros), auxquels il faut ajouter quelque 250.000
dollars (184.000 euros) qui se trouvaient dans les coffres du conseil
provincial.
Dans un document diffusé après la prise de la ville, l’EIIL a annoncé
que tout l’argent du "gouvernement Safavide" — référence péjorative aux
chiites au pouvoir à Bagdad — serait confisqué "pour les intérêts
+musulmans+".
Ces derniers temps, Mossoul représentait déjà une manne financière pour l’EIIL.
Selon plusieurs sources, le groupe engrangeait jusqu’à 12 millions de
dollars (8,8 millions d’euros) par mois grâce aux extorsions, rançons et
à la corruption dans cette ville qui comptait quelque deux millions
d’habitants avant sa prise par les insurgés.
Et grâce à ses victoires militaires en Syrie voisine, l’EIIL a même pu se lancer dans la vente de pétrole.
"L’EIIL a une longue expérience dans la collecte de fonds par des
activités criminelles", explique Matthew Levitt, ancien haut responsable
du renseignement au Département du Trésor américain, chargé
d’identifier les sources de financement des groupes militants.
Selon M. Levitt, les jihadistes de l’EIIL "sont uniques au regard de
leur capacité à, grâce à une insurrection, contrôler des territoires,
des infrastructures stratégiques et des ressources naturelles".
La capacité de l’EIIL à se financer directement, sans trop dépendre des
donateurs du Golfe — une source de financement importante pour les
groupes jihadistes — lui permet aussi d’éviter les mécanismes de
contrôle et de détection des transactions.
Le département du Trésor américain a depuis longtemps mis en garde
contre le fait que ces groupes se financent de plus en plus au niveau
local.
"Beaucoup de ces groupes génèrent des capitaux au niveau local, souvent
dans des zones soumises à très peu, voire aucun contrôle
gouvernemental", avait expliqué en avril David Cohen, sous-secrétaire au
Trésor chargé du terrorisme.
Ce mode de financement par l’extorsion et d’autres activités criminelles
fait courir à long terme aux groupes jihadistes le risque de s’aliéner
les populations locales, mais cela leur permet d’éviter les contrôles
internationaux et de "limiter la capacité des gouvernements à retracer
et couper leurs sources de financement", avait-il souligné.
Et plus Bagdad tarde à reprendre les zones passées sous contrôle des
jihadistes, plus les insurgés peuvent remplir leurs caisses, en
collectant par exemple des impôts "réguliers".
"L’EIIL était déjà une organisation riche avant la prise de Mossoul",
rappelle Charles Lister, chercheur associé à Brookings Doha.
"Mais, avec les importants gains matériels qu’EIIL a récemment obtenus,
ajoutés au contrôle territorial, au moins temporaire, de vastes pans du
pays, le groupe a essentiellement assuré sa viabilité financière à long
terme".
(23-06-2014 - Assawra)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire