dimanche 5 janvier 2014

Tunisie : une menace de mort fait dérailler les débats à la Constituante

Les débats à la Constituante tunisienne dimanche sur la Constitution ont été suspendus, un élu de gauche ayant assuré avoir reçu des menaces de mort après qu’un député du parti islamiste Ennahda l’a qualifié d’ennemi de l’islam.
"Combien faut-il encore de sang pour comprendre qu’on est unis (dans l’islam) ? Je te dis que je suis musulman, que mon père, ma mère, mon grand-père et mon peuple sont musulmans", a lancé dans l’hémicycle Mongi Rahoui, de la coalition de gauche Front populaire, à l’adresse du député islamiste Habib Ellouze.
"Ce qui a été dit hier (samedi) par ce cheikh, comme quoi (...) j’étais l’ennemi de l’islam, a conduit à des menaces de morts contre moi", a-t-il dit. Une source policière a confirmé à l’AFP que la sécurité de M. Rahoui avait été renforcée samedi soir en raison de menaces.
Habib Ellouze, de la frange la plus dure d’Ennahda et habitué aux propos polémiques sur l’opposition et les femmes, a dans un premier temps affirmé que ses propos à une radio avaient été sortis de leur contexte, avant de présenter ses excuses à M. Rahoui et à l’Assemblée nationale constituante (ANC).
Selon un enregistrement disponible en ligne, il a dit à la radio Saraha-FM que M. Rahoui était "connu pour son animosité pour l’islam".
Plusieurs représentants de l’opposition laïque ont souligné que de tels propos faisaient de l’élu une cible pour la mouvance salafiste armée, déjà accusée d’avoir tué deux opposants de gauche en 2013, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Les détracteurs d’Ennahda jugent d’ailleurs les islamistes au pouvoir responsables, au moins par leur laxisme, de l’essor de la mouvance jihadiste.

Interdire les accusations d’apostasie
Des députés de l’opposition ont dès lors réclamé que soit à nouveau examiné un amendement au projet de Constitution, rejeté samedi, qui prévoit de rendre passible de poursuites pénales les accusations d’apostasie.
De son côté, Ennahda a "rejeté entièrement" les propos de Habib Ellouze contre Mongi Rahoui, selon un communiqué.
Dans une ambiance électrique, la séance de dimanche, qui avait débuté à 11H00 GMT, a été levée après une heure, les protestations des élus rendant la poursuite des travaux impossible.
La plénière est néanmoins censée reprendre dans l’après-midi. L’examen du projet de Constitution, lancé vendredi dans un climat chaotique, a été régulièrement suspendu par des accusations et des disputes entre députés.
La Constituante a approuvé le préambule et 15 des 19 articles du premier chapitre consacré aux "dispositions générales" de la loi Fondamentale.
Les votes de samedi ont notamment consacré la liberté de conscience, l’islam comme religion d’Etat mais aussi rejeté l’islam comme source de droit.

Résoudre la crise politique
Un total de 146 articles et quelque 250 amendements doivent être étudiés pour permettre l’adoption de la loi Fondamentale avant le 14 janvier, 3e anniversaire de la révolution qui marqua le début du Printemps arabe. Les élus devaient consacrer leur dimanche au reste du 1er chapitre avant d’attaquer l’examen des "Droits et Libertés".
Selon l’ordre du jour, ils doivent aussi s’atteler à la formation de l’instance électorale qui sera chargée d’organiser les prochaines élections courant 2014.
L’adoption de la Constitution et la formation d’une loi et commission électorales sont les clefs de voûte d’un accord entre opposants et Ennahda pour résoudre une profonde crise déclenchée par l’assassinat le 25 juillet du député de gauche Mohamed Brahmi, le deuxième meurtre en 2013 attribué à la mouvance jihadiste.
A l’issue de ce processus, Ennahda s’est engagé à céder la place à un gouvernement d’indépendants dirigé par l’actuel ministre de l’Industrie, Mohamed Jomaâ.
Le principal médiateur de la crise politique, le syndicat UGTT, a exigé que le Premier ministre islamiste Ali Larayedh démissionne au plus tard le 9 janvier. Une rencontre entre les médiateurs de la crise et MM. Larayedh et Jomaâ doit avoir lieu lundi.
Élue en octobre 2011, la Constituante devait achever sa mission en un an, mais le processus a été ralenti par un climat politique délétère, l’essor de groupes jihadistes armés et des conflits sociaux.

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