dimanche 23 août 2015

Syrie : L'enfer des civils de la Ghouta

Dimanche dernier, l'aviation de Bashar a frappé un marché très fréquenté à Douma, à 13 kilomètres au nord-est de Damas. Le bilan est effroyable : une centaine de morts, et plus de 250 blessés. Ce samedi, 34 personnes ont été tuées dans de nouveaux bombardements du régime sur le fief rebelle.
Selon un rapport récent d'Amnesty International, les civils de cette région agricole – Ghouta signie « oasis » en arabe – vivent un véritable calvaire depuis trois ans. Pourquoi l'aviation syrienne s'en prend-elle systématiquement à la région de la Ghouta orientale, en banlieue de la capitale ?
Des manifestations de protestation contre le gouvernement se déroulent à la Ghouta dès mars 2011. Très peu de temps après le début de la révolution syrienne, la région bascule dans le camp rebelle. À la fin de l'année, les premières brigades des rebelles de l'Armée syrienne libre y prennent quartier ; et en 2012, les troupes du gouvernement sont expulsées après de violents combats. Dès lors, et alors que les brigades islamistes prennent le dessus dans la rébellion, l'aviation du régime de Bashar el-Assad n'aura de cesse de bombarder Douma et ses environs. Selon le Centre de documentation des violations, une ONG locale, plusieurs milliers de civils ont déjà été tués.
Sur la soixantaine de bombardements menés entre janvier et juin 2015, Amnesty International a pu en documenter 13 ayant tués 462 civils. Or, pour dix d'entre eux, aucun combattant n'était présent sur les lieux de l'attaque. Les frappes ont visé des marchés, des écoles durant les heures de cours, à proximité de mosquées après la prière du vendredi. Les hôpitaux sont également pris pour cibles, ce qui oblige les médecins à soigner leurs victimes dans des sous-sols humides et insalubres. Des crimes de guerre, juge Amnesty International.
Et ce n'est pas tout. Dès 2012, le gouvernement syrien met en place des restrictions sur l'approvisionnement en nourriture de la région. Et en novembre de cette année-là, il coupe l'eau et l'électricité à toute la Goutha. Les habitants peuvent toujours tenter de se ravitailler à Damas, mais doivent passer les check-points de l'armée et éviter les balles des snipers qui les prennent pour cible. À partir d'août 2013, le gouvernement coupe les principales routes d'accès, imposant un véritable blocus.
Les conséquences humanitaires sont terribles. Les habitants manquent de tous les produits de première nécessité : nourriture, électricité, eau, fioul pour le chauffage et les générateurs… La plupart ne font plus qu'un seul repas par jour. Les civils dépendent de l'aide humanitaire, régulièrement bloquée et parfois pillée avant d'arriver. Les habitants sont également victimes de la contrebande et du marché noir, qui fait grimper les prix et engraisse des seigneurs de guerre, aussi bien chez les agents du gouvernement que parmi les groupes rebelles.
Si 9 000 personnes ont pu être évacuées de la Ghouta, principalement des enfants et des personnes âgées, le reste de la population se retrouve pris au piège. Le plus puissant groupe armé de la région, l'Armée de l'Islam, mène lui aussi la vie dure à la population. En effet, s'il est encore possible de corrompre les soldats du régime pour obtenir un droit de sortie, l'Armée de l'Islam, elle, refuse tout départ de civils, alors accusés de soutenir Bashar el-Assad. Détentions arbitraires, tirs sur des zones habitées, taxes illégales, enrôlement de force : l'Armée de l'Islam est l'autre oppresseur de la population.
Deux ans après l'attaque chimique qui a visé les habitants de la Ghouta et tué des centaines de personnes, les 163 000 habitants qui sont restés sont toujours coincés entre le marteau et l'enclume.

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