mercredi 19 août 2015

Algérie : L'écrivain Boualem Sansal imagine l'islamisme au pouvoir dans «2084»

Image diffusée le 11 juin 2014 par le compte Twitter jihadiste Al-Baraka montrant des membres de l'organisation Etat islamique (EI) agitant un drapeau dans la frontière entre la province irakienne de Ninive et la ville syrienne de Al-Hasakah - Albaraka News


L’écrivain algérien Boualem Sansal dit s’être inspiré de George Orwell en général et de 1984 en particulier. Cela se voit dans le titre de son nouveau roman, 2084, publié ce jeudi chez Gallimard. Mais pas seulement : son roman, écrit en français, raconte comment la mondialisation mènera l’islamisme au pouvoir en Europe. « Orwell a fait une très bonne prédiction et on y est toujours », observe dans un entretien à l’AFP l’écrivain de 66 ans qui réside dans la petite ville côtière de Boumerdès, à une cinquantaine de kilomètres à l’est d’Alger. Selon lui, « les trois totalitarismes imaginés par Orwell (l’Océania, l’Eurasia et l’Estasia) se confondent aujourd’hui dans un seul système totalitaire qu’on peut appeler la mondialisation […] qui a écrasé toutes les cultures sur son chemin et a rencontré quelque chose de totalement inattendu : la résurrection de l’islam ».
« Dans mon analyse, c’est le totalitarisme islamique qui va l’emporter, parce qu’il s’appuie sur une divinité et une jeunesse qui n’a pas peur de la mort, alors que la mondialisation s’appuie sur l’argent, le confort, des choses futiles et périssables », estime l’écrivain qui se dit « non croyant ». Si « 2084 » est une œuvre de pure invention, Boualem Sansal estime que « la dynamique de la mondialisation musulmane se met en place ». « Le terrain à observer est l’Europe. Après le monde arabe et l’Afrique, l’islamisme se propage aussi en Occident avec une présence physique de plus en plus visible de barbus, de femmes voilées et de commerces halal », décrit-il. L’écrivain Michel Houellebecq a, selon lui, « fait la même analyse dans son roman Soumission », où il imagine la France de 2022 gouvernée par un parti musulman.

Un pays soumis à la loi divine d'un dieu qu'on prie neuf fois par jour
Dans 2084, Boualem Sansal imagine un pays, l’Abistan, soumis à la cruelle loi divine d’un dieu qu’on prie neuf fois par jour et où les principales activités sont d’interminables pèlerinages et le spectacle de châtiments publics. « La peur de Dieu sera plus forte que celle des armes » et « les gens pourront vivre de peu. Ils auront juste besoin de mosquées pour prier, par conviction ou par peur », résume l’écrivain, dont les propos rappellent le projet mis en œuvre par le groupe jihadiste Etat islamique en Irak et en Syrie.
Pour l’auteur du Serment des barbares, les Européens « se trompent sur l’islamisme comme ils se sont trompés sur le communisme » et sous-estiment la menace. Notamment à cause de l’autocensure sur la montée de l’islamisme, qui « tue le débat » alors que « le débat c’est comme une plante : si on ne l’arrose pas par la contradiction il disparaît ». Boualem Sansal laisse cependant poindre une note d’espoir en soulignant que « les systèmes totalitaires finissent tous par s’effondrer ». « Après le règne de l’islamisme il y aura une nouvelle mondialisation mais je ne sais pas sous quelle forme », présume-t-il.

Honni en Algérie tant par les islamistes que par le régime
Imaginant le sort de son propre pays en 2084, il reste sombre : « Je ne sais même pas si l’Algérie existera en 2084 sous la forme d’un pays moderne relativement administré » car « la fin du pétrole va la conduire dans une situation indescriptible ».
L’écrivain, honni tant par les islamistes que par le régime, juge par ailleurs « terrifiant » le flux des migrants algériens vers l’Europe et l’Amérique du Nord. « L’émigration est un vrai drame. Elle touche les riches, les hyperdiplômés. Quand elle atteint un certain seuil en volume cela veut dire que le pays ne peut être sauvé ». Boualem Sansal est jusqu’à présent resté en Algérie, où cet économiste a mené une longue carrière de fonctionnaire, en se souvenant que son pays « était très agréable à vivre » lorsqu’il avait lui-même « entre 20 et 30 ans ». « Après, je n’ai jamais ressenti un besoin suffisamment fort pour me dire : "je fais mes valises, je m’en vais…" ».

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