jeudi 27 août 2015

Moyen-Orient : Belgrade accueille à bras ouverts les réfugiés du Moyen-Orient (Katarina Subasic)

Bouleversé après sa rencontre avec une famille de Syriens dans un parc de Belgrade, Gordan Paunovic s'est décidé à agir, tout comme nombre de ses concitoyens qui, marqués par les conflits en ex-Yougoslavie, se sont portés au secours des milliers de migrants en route vers l'Europe occidentale.
"Je n'ai pas dormi de la nuit, aurais-je dû les inviter chez moi, leur proposer de prendre une douche?", s'était interrogé Gordan Paunovic, un célèbre DJ de musique techno, avant de décider de retourner dans le parc le lendemain, accompagné de sa femme Susanne Simon-Paunovic, une institutrice d'Allemand.
"Nous avons apporté une nappe et un véritable repas, pas du fast-food enveloppé dans du plastique, mais quelque chose qui rappellerait un vrai repas familial, ne serait-ce que l'espace d'un instant. Nous avons mangé en famille, comme des amis", a-t-il raconté.
Son geste n'était qu'un des premiers d'une série d'actes de solidarité dont la capitale serbe a fait preuve ces dernières semaines envers les milliers de migrants de passage, en route pour une destination où ils espèrent avoir une vie meilleure.
Les Belgradois ont eu l'expérience de centaines de milliers de réfugiés issus des guerres sanglantes ayant accompagné l'éclatement de l'ex-Yougoslavie dans les années 1990. Et ont accueilli avec empathie les migrants, organisant des collectes d'aide en nourriture, médicaments, eaux et vêtements.
La municipalité a ouvert un centre d'information, d'assistance médicale et de soutien psychologique qui fonctionne en trois langues: arabe, ourdou et farsi.
"Les gens nous apportent sans interruption des vêtements, de la nourriture, même de l'argent. Ils jouent avec nos enfants les aidant à oublier un instant les horreurs que nous avons endurées", remarque Hiba, 28 ans, originaire de Syrie.
Elle voyage avec sa soeur et ses trois nièces vers l'Allemagne où vivent déjà ses deux frères. Juriste de profession, Hiba espère, une fois installée, faire venir son époux et ses deux fils restés à Damas.
"Après le cauchemar vécu trois jours à la frontière de la Macédoine, lorsque la police nous a battus, nous nous sentons les bienvenus en Serbie, lorsque nous y sommes entrés la police distribuait des jouets aux enfants", a-t-elle dit.
Hiba, comme des centaines de ses compatriotes sont massés dans les parcs avoisinants la gare, installés tant bien que mal sur la pelouse. Certains ont monté leurs tentes, d'autres procèdent à des toilettes rudimentaires ou se rafraichissent aux rares robinets d'eau potable. Des enfants de tous âges approchent des Belgradois qui leur offrent des bonbons.
De là, ils poursuivront leur périple vers le nord et la frontière avec la Hongrie.
Les réseaux sociaux serbes ont joué un rôle non négligeable dans la mobilisation et la sensibilisation de la population.

- Un brin de normalité -
"Les souvenirs de la guerre ont contribué au réveil de l'empathie chez les gens ici, tous s'efforcent d'aider comme ils peuvent", note Mme Simon-Paunovic.
"Lorsque je vais au marché acheter des fruits pour les réfugiés, les vendeurs ajoutent toujours un kilo ou deux gratuits lorsqu'ils entendent qu'ils leurs sont destinés", assure-t-elle.
Mais, plus que l'aide matérielle, c'est le temps consacré à ces infortunés qui revêt le plus d'importance, selon elle.
"Ce qui revigore leur dignité, c'est de s'asseoir et manger avec eux, de passer du temps avec eux, c'est de cela qu'ils ont le plus besoin, d'une forme de normalité", souligne Susanne Simon-Paunovic.
"Les messages de remerciements qu'ils envoient après être arrivés à bon port n'ont pas de prix", note cette ressortissante allemande qui s'emploie également à donner des leçons de langue allemande aux enfants syriens de passage et à dessiner avec eux.
"Un jour, nous avons offert des roses aux femmes et aux enfants, leur parfum provoque des sourires et de la joie", raconte-t-elle. "Plus tard, alors que je jouais avec une vingtaine d'enfants, des mères sont venues nous couvrir de pétales et l'une m'a confié: +Belgrade est la plus belle ville jusqu'à présent+".
Mais tous ne font pas preuve du même enthousiasme envers les réfugiés. Mme Jelena Milic, qui porte également assistance aux réfugiés, assure avoir reçu des messages xénophobes et de haine, voire des menaces en raison de l'aide qu'elle apporte à ses derniers.
Des groupes et partis politiques d'extrême droite ont même appelé à l'édification d'une clôture à la frontière avec la Macédoine (sud), semblable à celle que la Hongrie a décidé d'ériger pour empêcher les migrants d'entrer sur son territoire.

(26-08-2015 - Par Katarina SUBASIC)

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