mercredi 3 août 2016

Tunisie: Un quadra à la Kasbah (Benoît Delmas)

11 heures tapantes, Béji Caïd Essebsi signe l'ordre qui missionne Youssef Chahed de composer le futur gouvernement. La Constitution lui accorde trente jours pour ce faire, un délai renouvelable une fois en cas d'échec. Ça devrait aller vite, le nom de celui qui était l'actuel ministre des Affaires locales circulait depuis le 3 juin, au lendemain de l'annonce par BCE de son souhait de « former un gouvernement d'union nationale ». À 41 ans, Youssef Chahed arrive au sommet de l'État avec une bonne réputation. Cet expert en agriculture a su mener à bien la création de nouvelles mairies afin que tous les Tunisiens soient rattachés aux services d'une localité. Trois millions ne l'étaient pas. D'un naturel discret, un atout dans le marigot politique tunisois, Chahed a été repéré par BCE et son équipe sur la base de son travail ministériel. Membre de Nidaa Tounes, le parti du candidat Essebsi, il a su se faufiler entre les règlements de compte qui ont ensanglanté le parti depuis le 1er octobre 2015. Une sorte de passe-muraille qui s'est tenu à l'écart des rivalités entre Mohsen Marzouk, ex-SG du parti, Hafedh Caïd Essebsi (le fils de BCE) et de beaucoup d'autres lames politiques. Cette attitude le rend compatible avec les signataires de l'accord de Carthage, soit neuf partis et un trio d'organisations syndicales et patronale. Ennahda n'y voit aucune objection. Le parti islamiste de Rached Ghannouchi cogère les affaires depuis les élections législatives qui se sont tenues fin 2014.
L'équipe d'Habib Essid, ex-chef du gouvernement depuis que l'Assemblée des représentants du peuple ne lui a pas renouvelé sa confiance le 30 juillet dernier, gérera les affaires courantes par ordre présidentiel signé le 31 juillet. Le prochain visage gouvernemental sera différent. Une dizaine de super-ministres entourera Chahed. De grands pôles seront constitués (économie, éducation…). Chaque super-ministre gérera des secrétaires d'État. L'idée maîtresse de cette physionomie ? Que le nouveau locataire de la Kasbah puisse agir plus efficacement avec une équipe réduite. Aux administrations de chaque ministère de s'adapter. Dans une période de grand marasme économique, les défis que devra relever Chahed sont nombreux. Trois gros chantiers sont identifiés : la sécurité (la menace terroriste étant toujours latente), le redémarrage de l'économie et la préparation du sommet qui se déroulera fin novembre à Tunis. Bailleurs de fonds, chefs d'État et compagnie seront conviés afin d'étudier le plan quinquennal orchestré par Yassine Brahim (actuel ministre du Développpement). Manuel Valls, Premier ministre de la France, effectuera une visite la veille de l'ouverture de ce grand raout pour investisseurs. Il sera présent au matin du premier jour. Considérées comme cruciales pour l'avenir du pays, ces 48 heures devront être un succès. BCE a indiqué, dès sa campagne électorale, que ce rendez-vous serait un enjeu majeur.  En optant pour Chahed, la présidence rajeunit le casting politique tunisien. Ce quadra a trois ans pour réussir face à une population dépitée ou exaspérée de l'absence de résultats sociaux. Lourde lettre de mission pour cette jeune pousse.

(03-08-2016 - Benoît Delmas)

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