vendredi 5 août 2016

Israël/Palestine : L'Etat hébreu accuse un chef d'une ONG d'avoir détourné des millions pour le Hamas

Le siège de l'ONG américaine World Vision, à Gaza City, le 4 août 2016 (Afp)

Israël a annoncé jeudi avoir arrêté et inculpé le responsable palestinien de World Vision à Gaza, l'accusant d'avoir détourné au profit du Hamas islamiste des dizaines de millions de dollars de cette organisation caritative chrétienne américaine présente dans le monde entier.
World Vision, qui se présente comme l'une des plus importantes organisations humanitaires avec plus de 40.000 employés dans près de 100 pays, a dit n'avoir "aucune raison" de croire aux incriminations contre son directeur à Gaza, Mohamed Halabi.
Mais nombre de personnalités israéliennes ont immédiatement fait de cette arrestation extrêmement rare l'exemple par excellence de l'exploitation faite selon elles par le Hamas de l'aide humanitaire considérable destinée à la bande de Gaza et de la présence d'innombrables ONG dans le territoire reclus.
Plus des deux tiers des 1,9 million de Gazaouis sont tributaires de l'aide étrangère pour vivre dans l'enclave palestinienne contrôlée par le Hamas, soumise depuis dix ans au blocus israélien et en proie à une crise humanitaire chronique.
Mohamed Halabi, ingénieur de 38 ans, a été arrêté le 15 juin au point de passage d'Erez entre Israël et l'enclave, a indiqué la Sécurité israélienne (Shin Beth). Il a été inculpé jeudi sous 12 chefs d'atteinte à la sécurité d'Israël, parmi lesquels "appartenance à une organisation terroriste" et "financement du terrorisme".
Membre du Hamas depuis 1995, il a été recruté en 2004 par la branche armée "avec une mission: infiltrer World Vision, monter en grade et accéder à un poste d'influence", a dit à des journalistes à Ashkelon (sud d'Israël) un responsable du Shin Beth sous couvert de l'anonymat.
Embauché par World Vision en 2005, il en a pris la charge à Gaza en 2010, et a détourné depuis chaque année 7,2 millions de dollars (6,5 millions d'euros) pour le Hamas et ses activités militaires, a-t-il dit.
Parmi ses turpitudes, selon le Shin Beth: appels d'offres truqués, factures gonflées, rémunération de membres du Hamas comme employés de projets humanitaires, livraison au Hamas de matériel destiné aux projets en question, détournement de colis alimentaires ou sanitaires au profit des combattants du Hamas...
Environ 1,5 million de dollars auraient été remis chaque année en liquide aux combattants du Hamas.
Toujours selon le Shin Beth, l'argent de World Vision a servi à financer une base militaire, à acheter des armes ou à construire des tunnels d'attaque sous la barrière frontalière qui enferme hermétiquement le territoire palestinien, théâtre de trois guerres avec Israël entre 2008 et 2014.
World Vision ne se serait rendu compte de rien alors que 60% de son budget annuel à Gaza auraient été dévoyés, a précisé le responsable du Shin Beth.
World Vision a dit ne pas croire aux incriminations.
Ses programmes à Gaza sont régulièrement contrôlés, a-t-elle indiqué dans un communiqué. "Sur la base des informations dont nous disposons à ce stade, nous n'avons aucune raison de croire que ces allégations soient exactes", a-t-elle ajouté.
Le Hamas à Gaza a dit, lui, n'entretenir "aucune relation avec le citoyen Mohamed Halabi". Les accusations israéliennes visent à nouveau à "opprimer notre peuple", a-t-il dit.
World Vision dirige son action principalement vers les enfants dans les Territoires palestiniens comme ailleurs dans le monde. En 2015, elle disait venir en aide à environ 90.000 personnes à Gaza.
La taille de l'organisation, l'ampleur de la fraude soupçonnée mettent en lumière la difficulté pour les humanitaires à travailler dans le contexte conflictuel de Gaza, pris entre les intérêts antagonistes du Hamas et d'Israël.
Comme d'autres, le député israélien de droite Avi Dichter, ex-chef de la sécurité intérieure, a vu dans l'affaire l'illustration de "la naïveté" des organisations humanitaires opérant à Gaza.
Le Shin Beth enquête sur d'autres organisations internationales, "mais (n'espère) pas tomber sur une affaire de cette ampleur", a dit son responsable à Ashkelon.

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