Le groupe Daesh qui se dit État islamique (EI) a mis la main sur la production syrienne
de coton, inquiétant certains fabricants de vêtements qui veillent de
près à leur image, même si la possibilité de retrouver dans nos habits
du coton "made in Daesh" est limitée. Outre le pétrole et le blé des
plaines céréalières, les djihadistes ont pris le contrôle des "trois
quarts de la production de coton", dont la Syrie était un exportateur
relativement important avant la guerre, indique Jean-Charles Brisard,
spécialiste du financement du terrorisme.
Dans les plus grandes maisons de luxe de Paris, le sujet est
d'actualité. Sous couvert d'anonymat, une source chargée des
approvisionnements pour les collections haute couture d'une enseigne
prestigieuse reconnaît se montrer particulièrement vigilante sur la
provenance des tissus. "Notre fournisseur habituel nous a envoyé cet été
des rouleaux de tissu sans le bordereau d'origine, nous avons demandé
aux ateliers de ne pas y toucher en attendant d'avoir tous les
certificats requis." "Vous imaginez ! Se retrouver avec un coton fourni
par Daesh !" ajoute-t-elle après une pause.
L'inquiétude des grossistes turcs
Car tout près des zones contrôlées par les djihadistes se trouve la
Turquie, deuxième fournisseur de textiles de l'Union européenne, le
troisième pour l'habillement (quatrième pour la France), selon des
données compilées par l'Union des industries textiles (UIT).
Aujourd'hui, l'inquiétude est que des grossistes turcs utilisent du
coton vendu à bas prix par l'EI, avide de toute source de financement.
La Turquie, importatrice nette de coton pour la fabrication de
vêtements, compte parmi ses principaux fournisseurs "les États-Unis, la
Grèce, l'Ouzbékistan, l'Égypte... et historiquement la Syrie", souligne
Emmanuelle Butaud-Stubbs, déléguée générale de l'Union des industries
textiles (UIT).
Les exportations de coton syrien vers la Turquie avaient grimpé dans les
années 1990, avant de refluer à partir de 2008. Selon des cotonniers
syriens interrogés par l'AFP, l'EI envoyait jusqu'à très récemment en
Turquie le coton non égrené (brut), cultivé dans la région de Raqqa et
Deir ez-Zor (soit un tiers de la production syrienne). Mais ces derniers
temps, la Turquie a officiellement refusé de recevoir ce coton, pour
des raisons inconnues - peut-être des pressions américaines -, selon ces
mêmes sources.
"Proche de zéro"
Daesh revend donc désormais le coton à des intermédiaires qui les
transportent vers des centre d'égrenage, où est traité le coton brut,
dans des régions tenues par le régime sanguinaire de Bashar el-Assad, car
l'égrenage, tout comme l'exportation, est monopole d'État en Syrie. Ces
centres d'égrenage se trouvent notamment à Hama et Homs. À cause du
conflit, "il est difficile d'avoir une image précise de ce qui se passe
réellement sur le terrain. Si du coton syrien passe en Turquie, cela se
fait probablement par des canaux non officiels", estime José Sette,
directeur exécutif de l'ICAC, organisme représentant les pays
producteurs et consommateurs de coton, auquel adhérait la Syrie jusqu'en
2013.
Le conflit a provoqué l'effondrement de la production, passée de 600 000
tonnes/an à un volume compris entre 70 000 et 100 000 tonnes
aujourd'hui, dont 3 000 tonnes sont officiellement exportées, selon les
estimations de l'ICAC. "Même en supposant que toute la production
syrienne (...) passe en Turquie, ce qui est hautement improbable, cela
ne représenterait que 5 % du coton utilisé" par ce pays, souligne M.
Sette, qui juge "injuste" de ternir la réputation de l'industrie textile
turque sur un "chiffre si petit et vague". "Compte tenu de tous ces
éléments (...) la proportion de produits finis cotonniers importés par
la France de Turquie et réalisés à partir de coton syrien issu de champs
contrôlés par Daesh est proche de zéro", estime Mme Butaud-Stubbs.
Le groupe de luxe et d'habillement sportif Kering (Gucci, Puma, Saint
Laurent) se dit d'ailleurs serein : "Une grande majorité du coton acheté
par (le groupe) vient de fournisseurs basés en Chine, au Bangladesh, en
Italie ou aux États-Unis. Le risque posé à Kering est donc mineur, car
la Turquie représente une part infime des achats de coton du groupe",
explique le service de communication.
(02-09-2015)
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