Suivant le conseil de ses amis, Ali s'est acheté un gilet de sauvetage
orange fluo avec un sifflet dans un magasin de sport à Bagdad, comme de
nombreux Irakiens bien décidés à rejoindre l'Europe. Ni vacances ni
journée à la mer en perspective pour le jeune Irakien. Mais la
détermination de quitter l'Irak, où il ne voit aucun avenir pour lui.
"Je veux émigrer dans n'importe quel endroit du monde qui soit mieux que
ce pays, affirme Ali. La Grèce, l'Allemagne... n'importe quel pays.
Pour moi, le plus important est de quitter l'Irak, parce qu'il n'y a pas
de vie ici. Pas de sécurité... Pas d'emploi."
Ali a toujours connu un Irak troublé. Né au moment de l'invasion du
Koweït par Saddam Hussein en 1990, il a grandi avec la guerre et les
sanctions internationales, puis avec l'intervention américaine et
aujourd'hui la montée en puissance du groupe djihadiste État islamique
(EI) qui contrôle une partie de son pays. Certains de ses amis sont déjà
partis, ont atteint les côtes grecques et l'encouragent à les
rejoindre. Pour cela, le gilet de sauvetage fait partie des quelques
équipements indispensables. Car les passeurs n'en fournissent pas
toujours suffisamment à bord des embarcations, souvent de fortune, qui
accueillent les migrants. Des milliers d'entre eux sont ainsi morts
noyés, faute de savoir nager. De plus, son prix est moins élevé en Irak
qu'en Turquie, d'où débute la périlleuse traversée vers la Grèce.
Mise en garde
Ali n'est donc pas le seul à se rendre rue Rachid où se concentre une
grande partie des magasins de sport de la capitale. "La demande pour les
gilets de sauvetage a explosé", témoigne Jawad Tawfik, propriétaire
d'une boutique qui vend des articles de sport depuis près de trente ans.
Ce commerçant, qui a vécu aux Pays-Bas pendant plus de quinze ans avant
de retourner en Irak, met cependant en garde les jeunes qui voient en
l'Europe la solution magique à tous leurs malheurs. "En général, je
déconseille aux jeunes d'émigrer. Quel avenir leur est-il réservé là-bas
?" demande-t-il en soulignant la montée du racisme en Europe et les
difficultés à y trouver un emploi. Amer, qui travaille dans un autre
magasin, explique aux clients que les gilets de sauvetage qu'il vend
sont conçus pour la piscine ou les rivières, mais pas pour la mer. Un
avertissement qui dissuade certains acheteurs, mais pas tous. En
particulier les hommes jeunes, qui représentent la majorité de ses
clients.
Cours de natation
Pour accroître leurs chances de survie en mer, des candidats au départ
s'inscrivent à des cours de natation. "La natation t'aide dans les
guerres, dans les voyages... Elle t'aide partout", assure Ali Mahdi
Alwan, un instructeur de 52 ans, ancien membre de l'équipe de natation
de l'armée irakienne. Quinze personnes ont suivi ses cours avant de
quitter l'Irak, témoigne Ali Mahdi Alwan sur les bords du Tigre, le
fleuve qui traverse Bagdad. "C'est le deuxième groupe que j'entraîne et
leurs familles attendent", dit-il en pointant du doigt un groupe de
jeunes s'y exerçant à la brasse ou au crawl.
Au total, plus de 9 000 Irakiens ont réussi à rejoindre la Grèce entre
janvier et août, soit la cinquième plus importante nationalité au sein
des migrants, selon l'Organisation internationale pour les migrations
(OIM). Les djihadistes de l'EI ont récemment condamné le flux de
migrants vers l'Europe, car il va à l'encontre de l'un des principes
fondateurs du califat auto-proclamé, la hijra - soit l'émigration vers
un pays musulman.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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