Pour sceller la réconciliation après un an de brouille, le président
français François Hollande effectue ce week-end à Tanger une délicate
visite sur fond de polémique autour du patron du contre-espionnage
marocain, visé par des plaintes en France pour torture. Des associations
de défense des droits de l'homme se sont ainsi inquiétées jeudi que le
déplacement du chef de l'État ne soit l'occasion de décorer de la Légion
d'honneur le directeur de la DGST marocaine Abdellatif Hammouchi.
L'entourage du président a formellement démenti la remise de cette
décoration lors de cette visite présidentielle, jugeant cette
information "sans fondement", mais pas son principe. En février, le
ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait lui-même annoncé que
Paris décorerait prochainement des insignes d'officier de la Légion
d'honneur Abdellatif Hammouchi, pour son rôle dans la lutte contre le
terrorisme.
Nouvel accord judiciaire
Rabat avait suspendu tous les accords de coopération judiciaire avec
Paris de février 2014 à janvier 2015, après la convocation d'Abdellatif
Hammouchi par un juge d'instruction à Paris enquêtant sur plusieurs
plaintes d'associations. Une série d'impairs diplomatiques avaient
également envenimé la crise, avant que François Hollande ne mette fin à
la brouille en recevant Mohammed VI à l'Élysée le 9 février, après la
signature d'un nouvel accord judiciaire avec le Maroc.
À Paris, on considère que "la page est tournée" sur cette affaire.
"Depuis plusieurs mois, on n'est plus dans la réconciliation, on est
plutôt dans la reprise d'une relation très dense", assure ainsi un
diplomate français. Mais les critiques ne s'arrêtent pas là. À la veille
de la visite de François Hollande, l'association Reporters sans
frontières (RSF) a dénoncé "la situation actuelle de la liberté
d'information" au Maroc, "où la critique de sujets tabous tels que la
monarchie ou l'intégrité territoriale peut amener à de lourdes
condamnations". Le Parti communiste français a lui fustigé une "visite
bien malvenue dans un pays où la corruption et l'impunité règnent en
maîtres, où les inégalités sociales et la pauvreté s'aggravent, où la
répression policière et les emprisonnements s'abattent sur les
démocrates et les syndicalistes".
"On est dans une logique de coopération"
Malgré ce contexte, le chef de l'État entend renforcer les liens
économiques entre les deux pays, alors que la France s'est fait ravir
par l'Espagne la place de premier partenaire commercial du Maroc. Mais
Paris reste le premier partenaire économique de Rabat grâce à
l'importance de ses investissements, "une douzaine de milliards d'euros
en stock", souligne Paris. François Hollande, qui aura plusieurs
entretiens avec le souverain marocain, visitera ainsi avec lui un site
de maintenance des rames de la future ligne à grande vitesse
Tanger-Casablanca dont l'entrée en service est prévue en 2017-2018. La
première rame du train à grande vitesse (TGV) marocain a été livrée par
le groupe industriel français Alstom en juin.
Il doit aussi se rendre sur le port de Tanger, deuxième port du Maroc et
important hub entre l'Europe et l'Afrique. "Ce sont deux chantiers très
représentatifs de cette volonté de coproduction, de partenariat" entre
la France et son ancien protectorat. "Il n'y a plus aucun soupçon de
paternalisme. On est vraiment dans une logique de coopération,
partenariat, chacun avec sa valeur ajoutée", affirme un diplomate
français.
"Appel de Tanger"
Le climat sera aussi au menu des discussions et François Hollande
signera avec Mohammed VI "un appel de Tanger" en vue de la Conférence
(COP 21) de Paris en décembre. Le Maroc, qui organisera la COP 22, est
le premier pays du Maghreb à avoir remis sa contribution, avec pour
objectif de passer à 42 % d'énergies renouvelables d'ici 2020. Les deux
dirigeants poseront également la première pierre d'un institut de
formation aux métiers des énergies renouvelables et de l'efficacité
énergétique.
François Hollande, qui rencontrera également le Premier ministre
Abdel-Ilah Benkiran, sera accompagné de cinq ministres et d'une
délégation étoffée de chefs d'entreprises parmi lesquelles Thales, SNCF,
Alstom, Egis, Cistra, intéressées dans le chantier LGV mais aussi
Bouygues, CMA-CGM, Renault impliqués dans les nouveaux aménagements du
port de Tanger. EDF-énergies nouvelles, Suez, Veolia, Lafarge, ENGIE
seront aussi présentes pour les enjeux climatiques.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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