Quatre ans après le mouvement de contestation populaire né dans le
contexte du Printemps arabe, mouvement qui avait amené le roi Mohammed
VI à faire adopter une nouvelle Constitution, à l'été 2011, ce scrutin
local sous forme de communales et de régionales ne va pas manquer de
donner des indications quant à la réalité politique sur le terrain.
C'est un moment important pour tous les partis, mais il n'y a pas de
doute que pour le Parti de la justice et du développement (PJD,
islamiste) actuellement aux affaires, il a une saveur particulière. Il
faut dire qu'avant sa victoire historique aux dernières législatives,
victoire qui avait suscité beaucoup d'espoir, il est resté longtemps
cantonné dans l'opposition. Autant dire donc qu'à une année des
législatives, le Premier ministre Benkirane y cherchera des raisons de
ne pas changer d'axe de gouvernement.
Si les trois premières années de gestion du PJD n'ont pas débouché sur
tous les résultats escomptés - notamment en matière de lutte
anticorruption, un des chevaux de bataille du parti -, Abdelilah
Benkirane, habile politicien, reste en effet relativement populaire dans
l'opinion. Au cours de la campagne, il a défendu bec et ongles son
bilan et jugé qu'une victoire de son parti serait « logique ». Ne
s'est-il pas, entre autres, targué d'une réduction sensible du déficit
public (de plus de 7 % du PIB à moins de 5 %), à la faveur d'une réforme
de la caisse subventionnant l'essence et d'autres produits de grande
consommation. Et cela, sans heurts sociaux majeurs, dans un pays où près
d'un jeune sur trois est au chômage, selon la Banque mondiale.
Depuis sa nomination début 2012, M. Benkirane, prudent, s'est par
ailleurs efforcé de maintenir les meilleures relations avec le palais
royal, qui conserve de larges prérogatives, tout en observant les
mésaventures des autres mouvements islamistes de la région, en Tunisie
et en Égypte. Ces derniers jours, il a en revanche adopté un ton
tranchant à l'égard de ses principaux rivaux, notamment le Parti
authenticité et modernité (PAM/Libéral, opposition), qu'il a notamment
accusé de financer sa campagne en « vendant de la poudre » (de la
drogue, NDLR). Des propos vivement critiqués par le quotidien
L'Économiste, qui a dénoncé des « accusations infamantes ». La «
priorité [de M. Benkirane] ces quatre dernières années n'était pas tant
le travail pour l'intérêt général que pour son clan », a tranché
Mustapha Bakkoury, chef du PAM, parti fondé en 2008 par un proche
conseiller du roi et qui présente le plus de candidats aux communales
(18.227).
Au total, près de 140 000 candidats se disputent plus de 32 000 sièges
d'élus locaux dans le cadre de ces élections présentées comme une étape
majeure du processus de « régionalisation avancée », inscrite dans la
Constitution de 2011. Lors des précédentes élections locales, en 2009,
le PAM était sorti vainqueur avec 21 % des suffrages. Le PJD avait dû se
contenter d'un modeste score de 5,4 %... deux ans à peine avant son
sacre des législatives. « Ces élections se jouent entre cinq et six
partis, de l'opposition et de la coalition (gouvernementale), mais il
existe une forte polarisation entre le PJD et le PAM », résume Mohamed
Madani, politologue à l'université Mohammed-V de Rabat. Alors que 45 %
des inscrits s'étaient déplacés pour les législatives de 2011, le
chiffre de la participation sera en outre scruté, dans un pays qui se
dit engagé dans un processus de transition politique et vante sa «
stabilité » au sein d'une région tourmentée. Dans un Maroc qui « apprend
à marcher sur la voie de la démocratie, la participation aux élections
n'est pas un luxe. C'est le premier pas d'un long processus pour la
construction (...) d'un avenir », avançait jeudi le quotidien
indépendant Akhbar al-Yaoum. Deux formations ont toutefois appelé au
boycott d'un scrutin jugé dépourvu de réels enjeux : la mouvance
islamiste Al Adl wal Ihsane (« Justice et bienfaisance »), interdite,
mais tolérée et bien implantée dans les quartiers populaires, et le
parti Voie démocratique (extrême gauche).
(04-09-2015 - Aïda Haddad)
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