vendredi 4 septembre 2015

Maroc : Les élections locales, répétition générale des législatives de 2016 ? (Aïda Haddad)

Quatre ans après le mouvement de contestation populaire né dans le contexte du Printemps arabe, mouvement qui avait amené le roi Mohammed VI à faire adopter une nouvelle Constitution, à l'été 2011, ce scrutin local sous forme de communales et de régionales ne va pas manquer de donner des indications quant à la réalité politique sur le terrain.  C'est un moment important pour tous les partis, mais il n'y a pas de doute que pour le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) actuellement aux affaires, il a une saveur particulière. Il faut dire qu'avant sa victoire historique aux dernières législatives, victoire qui avait suscité beaucoup d'espoir, il est resté longtemps cantonné dans l'opposition. Autant dire donc qu'à une année des législatives, le Premier ministre Benkirane y cherchera des raisons de ne pas changer d'axe de gouvernement.
Si les trois premières années de gestion du PJD n'ont pas débouché sur tous les résultats escomptés - notamment en matière de lutte anticorruption, un des chevaux de bataille du parti -, Abdelilah Benkirane, habile politicien, reste en effet relativement populaire dans l'opinion. Au cours de la campagne, il a défendu bec et ongles son bilan et jugé qu'une victoire de son parti serait « logique ». Ne s'est-il pas, entre autres, targué d'une réduction sensible du déficit public (de plus de 7 % du PIB à moins de 5 %), à la faveur d'une réforme de la caisse subventionnant l'essence et d'autres produits de grande consommation. Et cela, sans heurts sociaux majeurs, dans un pays où près d'un jeune sur trois est au chômage, selon la Banque mondiale.
Depuis sa nomination début 2012, M. Benkirane, prudent, s'est par ailleurs efforcé de maintenir les meilleures relations avec le palais royal, qui conserve de larges prérogatives, tout en observant les mésaventures des autres mouvements islamistes de la région, en Tunisie et en Égypte. Ces derniers jours, il a en revanche adopté un ton tranchant à l'égard de ses principaux rivaux, notamment le Parti authenticité et modernité (PAM/Libéral, opposition), qu'il a notamment accusé de financer sa campagne en « vendant de la poudre » (de la drogue, NDLR). Des propos vivement critiqués par le quotidien L'Économiste, qui a dénoncé des « accusations infamantes ». La « priorité [de M. Benkirane] ces quatre dernières années n'était pas tant le travail pour l'intérêt général que pour son clan », a tranché Mustapha Bakkoury, chef du PAM, parti fondé en 2008 par un proche conseiller du roi et qui présente le plus de candidats aux communales (18.227).
Au total, près de 140 000 candidats se disputent plus de 32 000 sièges d'élus locaux dans le cadre de ces élections présentées comme une étape majeure du processus de « régionalisation avancée », inscrite dans la Constitution de 2011. Lors des précédentes élections locales, en 2009, le PAM était sorti vainqueur avec 21 % des suffrages. Le PJD avait dû se contenter d'un modeste score de 5,4 %... deux ans à peine avant son sacre des législatives. « Ces élections se jouent entre cinq et six partis, de l'opposition et de la coalition (gouvernementale), mais il existe une forte polarisation entre le PJD et le PAM », résume Mohamed Madani, politologue à l'université Mohammed-V de Rabat. Alors que 45 % des inscrits s'étaient déplacés pour les législatives de 2011, le chiffre de la participation sera en outre scruté, dans un pays qui se dit engagé dans un processus de transition politique et vante sa « stabilité » au sein d'une région tourmentée. Dans un Maroc qui « apprend à marcher sur la voie de la démocratie, la participation aux élections n'est pas un luxe. C'est le premier pas d'un long processus pour la construction (...) d'un avenir », avançait jeudi le quotidien indépendant Akhbar al-Yaoum. Deux formations ont toutefois appelé au boycott d'un scrutin jugé dépourvu de réels enjeux : la mouvance islamiste Al Adl wal Ihsane (« Justice et bienfaisance »), interdite, mais tolérée et bien implantée dans les quartiers populaires, et le parti Voie démocratique (extrême gauche).

(04-09-2015 - Aïda Haddad)

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