Les rangs des insurgés hostiles au régime de Bashar al-Assad sont en
train de se disloquer avec la volonté d’Al-Qaïda de créer son propre
"émirat" en Syrie à l’instar des jihadistes ultra-radicaux de l’Etat
islamique (EI).
Pour la première fois, des combats ont éclaté entre les alliés
d’hier, à savoir les rebelles et le Front al-Nosra, branche officielle
d’Al-Qaïda en Syrie, rapporte l’Observatoire syrien des droits de
l’Homme (OSDH).
Ces affrontements inédits rendent le conflit encore plus complexe.
Ainsi les rebelles luttent désormais sur trois fronts : contre les
forces du régime, contre l’EI et dernièrement contre le Front al-Nosra.
A cela s’ajoutent les combats de l’EI contre l’armée de Bashar
al-Assad et les autonomistes kurdes, tandis qu’Al-Nosra croise le fer
avec le régime, les rebelles et l’EI.
"Les heurts entre Al-Nosra et les rebelles ont commencé début juillet
mais la bataille la plus sanglante a eu lieu il y a près d’une semaine
dans la région de Jisr al-Choughour, dans la province d’Idleb
(nord-ouest)", a expliqué jeudi à l’AFP Rami Abdel Rahman, directeur de
l’OSDH.
Cette bataille, précédée par des assassinats des deux côtés, a fait
"des dizaines de morts" dans les rangs d’Al-Nosra et du Front des
révolutionnaires de Syrie (FRS), une coalition d’insurgés modérés.
Le FRS et Al-Nosra ont reconnu ces affrontements sur leurs pages
Facebook. Al-Nosra s’est emparé de plusieurs villages dans la province
d’Idleb et les combats se sont étendus mercredi à la région d’Alep
(nord) et à Deraa, autre région rebelle dans le sud, selon l’OSDH.
Les rebelles soupçonnent la branche syrienne d’Al-Qaïda de chercher à
les chasser afin d’établir un "Emirat islamique" rival de celui établi
par l’EI, dans la mesure où malgré leurs combats, Al-Nosra et l’EI
partagent la même idéologie jihadiste.
C’est le chef d’Al-Nosra, Abou Mohammad Al-Jolani, qui a donné le
signal le 11 juillet en annonçant dans un enregistrement audio son
intention d’ériger un "véritable Etat islamique" en Syrie.
"Le temps est venu, mes très chers, de créer un émirat au Levant",
a-t-il dit en précisant qu’il aurait des frontières avec "le régime, les
ultras (l’EI), les corrompus (les rebelles) et le PKK (les kurdes)".
Quelques semaines plus tôt, son rival, le chef de l’EI, Abou Bakr
al-Baghdadi, a proclamé un califat à cheval sur la Syrie et l’Irak,
après son offensive fulgurante contre les forces de Bagdad.
Issus de la branche irakienne d’al-Qaïda, Al-Nosra est apparu en Syrie fin 2011. L’EI a fait scission en 2013.
Dans leur bras de fer, l’EI l’a emporté en chassant al-Nosra de son
fief de Deir Ezzor, une province riche en pétrole, et en renforçant son
prestige auprès des jihadistes étrangers qui le rejoignent.
Selon Abou Yasmine, un rebelle d’Idleb, joint par internet "Al-Nosra
traverse une crise et l’annonce de la création prochaine d’un émirat
vise à attirer de nouveaux jihadistes et à constituer un territoire
entièrement sous son contrôle".
Hier alliés, des rebelles changent maintenant d’opinion sur
Al-Nosra : cette semaine, un groupe d’insurgés modérés, dont le groupe
pro-occidental Hazem et le FSR, ont appelé à ne plus coopérer avec ce
groupe jihadiste.
Selon M. Abdel Rahman, Al-Nosra cherche à prendre le contrôle sans
partage de différentes régions à la frontière turque et à établir un
fief dans la province méridionale de Deraa.
"Il agit exactement comme l’EI, qui a d’abord pris le contrôle de territoires puis annoncé son califat", note-t-il.
En outre, Al-Nosra est en train de couper ses relations avec les
tribunaux islamiques, instances composées de représentants des deux
ex-alliés.
Pour justifier ses opérations, Al-Nosra a lancé, comme l’avait fait
auparavant l’EI, une campagne contre les "corrompus" accusant ses
adversaires, pas toujours à tort, de se livrer au pillage.
Pour un officier rebelle d’Idleb, le Front al-Nosra, composé en majorité de Syriens, "commence à montrer son vrai visage".
"Son but n’est pas la liberté et la démocratie. Il veut prendre le
pouvoir et agit de manière confessionnelle. Ce n’est pas l’objectif de
notre révolution", dit-il.
La guerre en Syrie avait commencé en mars 2011 par des manifestations
réclamant des réformes et plus de liberté. Face à une répression
sanglante et implacable, elles ont dégénéré en insurrection armée puis
en guerre généralisée, avant que les jihadistes ne montent en puissance.
(24-07-2014)
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