mardi 29 mars 2016

Israël : Une bavure militaire qui fragilise Netanyahou

Héros pour la droite et l'extrême droite. Meurtrier pour la police militaire. En tout cas, ce soldat est sous les verrous. Il a été filmé jeudi dernier à Hébron achevant d'une balle un assaillant palestinien gisant sur le sol après avoir blessé au couteau un militaire. Sur place, un officier a immédiatement informé ses supérieurs que le soldat avait enfreint les ordres. Quelques heures plus tard, la police militaire l'arrêtait. Il est soupçonné de meurtre. Immédiatement avertis, le ministre de la Défense et le porte-parole de l'armée ont condamné son geste, déclarant que c'était contraire à l'éthique de Tsahal. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a suivi en affirmant que cet incident grave « ne reflétait pas les valeurs de l'armée ». Des commentateurs ont expliqué qu'il s'agissait de réagir très vite pour éviter un nouveau scandale international.
Mais voilà, à l'étranger, les médias étaient occupés par d'autres événements bien plus importants : le terrorisme en Europe, la reconquête de Palmyre, sans parler du week-end pascal. C'est donc en Israël que le scandale a éclaté. L'extrême droite est montée au créneau, exigeant l'annulation de l'accusation de meurtre. Très vite, le public a suivi. En témoigne ce sondage, publié 48 heures plus tard par une chaîne de télévision : 57 % des personnes interrogées désapprouvaient la décision de l'armée d'arrêter le militaire et de procéder à une enquête ; 42 % qualifiaient de responsable le comportement du tireur ; seuls 5 % considéraient le tir contre un assaillant blessé et à terre comme un meurtre.
En parallèle, sur les réseaux sociaux, c'est le déchaînement : ceux qui considèrent comme normales l'arrestation du soldat et l'enquête en cours sont bien seuls face aux posts qualifiant le tireur de héros et s'en prenant sans complexe au chef d'état-major, le général Eizenkot, et au ministre de la Défense, Moshe Yaalon, accusés de faire le jeu des « gauchistes » et « des Palestiniens assassins de juifs ». Une affiche est même apparue montrant le général Eisenkot déguisé en Assuérus, le roi persan qui, selon l'histoire biblique, voulait éliminer le peuple juif, jusqu'à ce que son épouse juive l'en dissuade. En l'occurrence, l'extrême droite soutient l'un des siens. Selon sa page Facebook, l'auteur du tir est en effet un fidèle du mouvement raciste Kach, du défunt rabbin Kahana, auquel appartient notamment le militant extrémiste Baruch Marzel. Une vidéo le montre sur place le saluant.
Cela n'a pas empêché Naftali Bennet, le ministre de l'Éducation et patron du parti des colons, le « Foyer juif », d'affronter Benjamin Netanyahou en conseil des ministres hebdomadaire. Affirmant que le soldat avait été reconnu coupable avant même d'avoir été jugé, Bennett a accusé le Premier ministre de ne pas soutenir les troupes. Particulièrement irrité, Netanyahou lui a répondu : « J'ai toujours soutenu les soldats et j'ai dirigé au combat plus de militaires que vous. Alors, ne me faites pas la leçon. Nous devons laisser l'armée faire son travail et ne pas tout transformer en affaire politique. »
Tension aussi à la Knesset, le Parlement israélien. Du haut de la tribune, le ministre de la Défense Moshe Yaalon a accusé Naftali Bennett d'avoir appelé la famille du soldat pour l'encourager et la soutenir. « Nous ne sommes pas comme la partie adverse. Je condamne la diffusion de mensonges, de manipulations et les attaques contre le chef d'état-major… » Et le ministre de lancer aux députés : « Que voulez-vous, une armée bestiale qui perd sa morale ? Je suis fier du commandant de compagnie qui a informé ses supérieurs de cet événement hors norme. »
D'importantes manifestations sont prévues pendant l'audience en cour martiale mardi. Plusieurs députés, parmi lesquels Avigdor Lieberman, chef du parti d'extrême droite « Israël Beïtenou (Israël notre maison) », ont annoncé qu'ils viendraient soutenir l'accusé. Déjà, lundi soir, des rassemblements en sa faveur ont eu lieu un peu partout dans le pays. Des réservistes affirment qu'ils refuseront de porter à nouveau l'uniforme si le soldat est condamné. Face à cette opinion publique chauffée à blanc, Benjamin Netanyahou a commencé à rétropédaler. Il a fait savoir qu'il avait été particulièrement ému par les déclarations du père du militaire en cause. Il a répété qu'il espérait une enquête en bonne et due forme de la part de l'armée.
Décidément, les chefs de Tsahal sont bien seuls dans ce combat politique. Depuis le début de l'Intifada des couteaux, ils tentent d'imposer aux unités sur le terrain plus de modération face aux jeunes terroristes palestiniens. Il y a quelques semaines, le général Eizenkot avait déclaré qu'il ne voulait pas voir « un soldat ouvrir le feu et vider son chargeur sur une fille de 13 ans qui tient des ciseaux ou un couteau et alors qu'elle se trouve à distance, même si elle commet un acte très grave… » Depuis septembre dernier, au cours de 105 attaques de soldats, de policiers, de vigiles et de passants, la plupart des assaillants ont été abattus. Le dernier bilan fait état de 28 Israéliens et près de 190 Palestiniens tués.


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