mardi 14 juillet 2015

Israël/Palestine : Une famille palestinienne pleure son troisième fils tué par l'armée israélienne

Depuis plusieurs années, devant la maison de la famille Kasbeh, une pancarte proclame: "Maison des martyrs Samer et Yasser". Il y a 10 jours, Sami Kasbeh, y a apposé une nouvelle photo, celle de Mohammed, 17 ans, son troisième fils abattu par l'armée israélienne.
D'abord, il y a eu Yasser, fauché en novembre 2001 par une balle israélienne lors d?affrontements au check-point de Qalandia qui relie Ramallah en Cisjordanie occupée à Jérusalem. Il avait 11 ans.
L'année suivante, Samer, 15 ans, tombait à son tour sous les tirs d'un autre soldat à Ramallah à proximité de la Mouqataa, le siège de la présidence palestinienne.
Et le 3 juillet, pour le troisième vendredi du ramadan, alors que des milliers de Palestiniens se pressaient au check-point de Qalandia pour aller prier à Jérusalem, l'armée israélienne a abattu le troisième fils de Sami et Fatima: Mohammed, 17 ans.
Mohammed présentait un "danger imminent", a affirmé le colonel Israel Shomer, haut commandant israélien en Cisjordanie en patrouille dans un véhicule blindé, qui l'a abattu avec un autre soldat de plusieurs balles. Pour sa famille, les témoins et une ONG israélienne des droits de l'Homme, la légitime défense des soldats est plus que contestable.
Lundi, l'ONG B'Tselem qui dénonce régulièrement les exactions de l'armée israélienne dans les Territoires occupés a diffusé une vidéo qui contredit la version de l'armée.
Sur ces images, captées par une caméra de la station-service devant laquelle Mohammed a été tué, on voit un homme courir vers un véhicule militaire et apparemment jeter dessus une pierre avant de s'enfuir. Aussitôt, le véhicule s'arrête et deux hommes, armes pointées, sortent pour le poursuivre.
La suite se passe hors du cadre de la caméra. Mais des témoins ont indiqué à B'Tselem que le colonel Shomer avait tiré sur l'adolescent puis quitté les lieux sans appeler les secours. Faute d'aide médicale, Mohammed Kasbeh est mort de ses blessures.
"Si Mohammed était vraiment un terroriste comme ils le disent, qu'ils l'arrêtent, qu'ils lui tirent dans les jambes! Pourquoi le tuer?", s'insurge Fatima. Pour elle, l'armée a "tout simplement exécuté" ce fils qu'elle reconnaît avoir "un peu trop gâté". "Il a perdu ses deux frères alors qu'il n'était qu'un enfant", dit-elle.
Pour B'Tselem, les tirs qui ont touché par trois fois l'adolescent, dont deux dans le dos, "ne sont pas justifiés et illégaux" et "dire que M. Kasbeh représentait une menace mortelle pour les soldats au moment des tirs, alors qu'il avait pris la fuite, est illogique".
D'ailleurs, note Thaër, le grand frère de Mohammed, il a longtemps été impossible d'obtenir une seule version des faits. "Au début, ils ont dit que Mohammed escaladait le mur de séparation, qu'il avait refusé d'obéir aux ordres de l'armée. Puis il y a eu la deuxième version: Mohammed était un danger pour les soldats".
La divulgation de cette vidéo a provoqué l'ouverture d'une enquête de la police militaire car le colonel avait d'abord affirmé avoir tiré depuis son véhicule "alors que sa vie était en danger". Sur la base de cette version, il avait obtenu le soutien total de ses supérieurs et de plusieurs ministres.
"Il arrive que parfois des erreurs soient commises", explique la conseillère juridique adjointe de l'armée en Cisjordanie, le lieutenant colonel Sarit Shemer, sans se référer explicitement à cette affaire. "Notre politique est d'ouvrir une enquête pour chaque Palestinien tué", assure-t-elle à l'AFP.
Mais obtenir justice, Sami et Fatima n'y croient plus. Ils ont essayé quand un autre fils, Tamer, a eu le torse traversé par une balle en 2007 devant le camp de Qalandia. Il y a laissé un morceau d'intestin et a subi une opération dans un hôpital israélien, payée "5.000 dollars par la famille". Quand elle a saisi la justice israélienne pour obtenir des réparations, la famille Kasbeh a écopé d'"une amende de 5.500 dollars".
Selon des militants locaux, 52 Palestiniens ont été tués à Qalandia depuis la première Intifada il y a près de 30 ans.
Mais, pour Thaër, "la vie doit continuer". Pour le prouver, il a appelé ses deux fils Yasser et Samer.

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