vendredi 22 mai 2015

Algérie : manœuvres au sommet, incrédulité à la base

C'est la quatrième équipe, en trois ans que le Premier ministre Abdelmalek Sellal a mis en place il y a une semaine, le jeudi 14 mai. Au moment où le président de la République Abdelaziz Bouteflika achève l’an I de son quatrième mandat, ce remaniement - attendu depuis plusieurs mois, mais inattendu dans la date choisie - fait bouger la solide pyramide étatique sans susciter, pour autant, un enthousiasme particulier. Pourquoi une telle indifférence dans l’opinion ? Voire carrément de la méfiance dans l’opposition ? Plus que les choix des candidats, dont la plupart sont des technocrates novices en politique, c’est l’art et la manière qui ne convainc pas. Aucune explication n’a été donnée, ni d’objectifs fixés au moment de l’annonce, rendant la lecture de ce remaniement partiel opaque. "Ce remaniement ministériel relève plus de l’équation arithmétique que de la projection politique", estime ainsi le quotidien Liberté dans son édition du samedi 16 mai. Les ministres sortants ont "pour la plupart mérité leur sort", juge le Quotidien d’Oran. "Ils ont peiné, voire carrément manqué, à maîtriser leur secteur ou commençaient à être trop cités dans des affaires de corruption", analyse Liberté. Le journal cite comme "cas d’espèce" en matière de défaillance, l’échec du ministre des Sports Mohamed Tahmi à décrocher la CAN 2017 et celui du ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, à gérer la contestation du Sud contre le gaz de schiste.
Youcef Yousfi est remplacé par Salah Khebri, PDG de l’Institut algérien du pétrole (IAP) qui a également travaillé pour  Sonatrach, la compagnie nationale d’hydrocarbures. Comme lui, la majorité des nouveaux ministres sont des administrateurs sans rattachement à des partis politiques. Le plus emblématique étant le nouveau ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, qui remplace Mohamed Djellab. Délégué général de l’Association des banques et établissements financiers (Abef) jusqu’en février 2012, ancien PDG du Crédit populaire algérien (CPA) et administrateur provisoire d’El Khalifa Bank, ce spécialiste de la Finance maîtrise parfaitement les rouages du système bancaire. Une compétence indispensable dans un contexte de baisse des ressources financières liées à la chute des prix du pétrole qui nécessite des réformes économiques rapides pour réduire les coûts de dépenses de l’État. "Le remaniement gouvernemental du 14 mai a confirmé clairement la tendance dite "technocratique" de l’exécutif", relève le quotidien El Watan dans son édition du 18 mai. "Sur les 32 ministres que compte la nouvelle équipe de Sellal, seulement huit sont issus de partis politiques : quatre appartenant au Front de libération national (FLN), deux au Rassemblement national démocratique (RND) et les deux chefs du Mouvement populaire algérien (MPA) et du Rassemblement de l'espoir de l'Algérie (TAJ)", dit le journal.
"Replâtrage", "opération de routine", "remaniement technique", "simple réaménagement", les partis de l’opposition ont largement critiqué le "énième" changement de gouvernement qualifié de "non-événement". Mais au-delà de ces commentaires ponctuels dictés par l’actualité, la voix de l’opposition a dû mal à se faire entendre par manque d’actions et d’unité sur une feuille de route précise et claire. Depuis leur premier rassemblement en juin dernier, les partis d’opposition réunis pour la plupart au sein de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) - qui regroupe les partis et personnalités ayant appelé au boycott de l’élection présidentielle du 17 avril 2014 et appelle à la tenue d’élections anticipées - n’ont pas organisé d’autres réunions. Le remaniement passé, la CNLTD pourrait revenir sur le devant de la scène avec l’autre "changement" attendu qu’est le projet de révision de la Constitution.

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