Des combats et des bombardements ont émaillé jeudi le premier jour d'une
trêve de 72 heures au Yémen, que les belligérants affirment vouloir
respecter tout en gardant le doigt sur la gâchette. Les forces fidèles
au président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenues par l'Arabie Saoudite, et
les rebelles chiites houthis, appuyés par l'Iran, se sont accusés
d'être responsables de nouveaux actes de violences ayant fait au moins
11 morts, selon diverses sources. Un homme et sa fille ont été blessés
en Arabie Saoudite par la chute d'un obus tiré depuis le Yémen, a
indiqué la défense civile de la région de Jazane.
Un porte-parole loyaliste yéménite, le général Samir al-Haj, cité par
l'agence Saba, a recensé 69 violations par les rebelles à Taëz, grande
ville du Sud-Ouest, et 9 autres à Nahm, au nord-est de la capitale
Sanaa.
Garder le doigt sur la gâchette
Plus au nord, sur la frontière saoudienne, des accrochages ont éclaté
après la mort de deux combattants progouvernementaux victimes de deux
roquettes Katioucha, tirées par les Houthis près du poste-frontière
Al-Buqah, a indiqué un autre porte-parole loyaliste, Mohammed al-Adani.
Trois rebelles ont péri dans la province de Hodeida, sur la mer Rouge,
dans deux attaques séparées, ont indiqué des sources militaires,
ajoutant que des forces pro-Hadi ont tenté jeudi de reconquérir une base
militaire dans la province d'Al-Jawf, au nord de Sanaa.
À l'aube, des avions de la coalition arabe sous commandement saoudien
ont survolé à deux reprises la capitale, contrôlée par les rebelles,
mais sans mener de raids, selon des habitants. La coalition avait
prévenu la veille qu'elle poursuivrait "les vols de reconnaissance des
mouvements des Houthis et de leurs alliés". Les armes ne se sont pas
tues sur d'autres fronts de guerre qui s'étaient embrasés mercredi,
faisant 35 morts dans les deux camps juste avant la trêve.
Près de Midi, ville portuaire frontalière de l'Arabie Saoudite, trois
combattants progouvernementaux ont été tués par les rebelles qui ont
lancé après minuit une contre-offensive pour tenter de reprendre des
positions perdues avant le début de la trêve, a indiqué un officier
loyaliste, le colonel Abdel Ghani al-Chebli. Selon l'agence rebelle
sabanews.net, trois civils ont péri dans un raid aérien dans la province
de Saada (nord). Pourtant, le porte-parole militaire des rebelles, le
général Sharaf Lokman, a réclamé que "l'ennemi se conforme totalement (à
la trêve) aux plans terrestre, naval et aérien". S'adressant à ses
hommes, il leur a enjoint de "garder le doigt sur la gâchette". Lors
d'un entretien avec le médiateur de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, le
président Hadi a déclaré avoir ordonné à ses hommes de continuer à
"observer la trêve, malgré les violations par les Houthis".
La trêve intervient dans un contexte d'enlisement du conflit qui a fait
depuis 19 mois 6 900 morts, 35 000 blessés, déplacé trois millions de
personnes et dévasté l'économie. La population de ce pays le plus pauvre
de la Péninsule arabique se sent désabusée par des trêves à répétition,
rapidement violées. Il s'agit du 6e cessez-le-feu. "Nous voulons une
trêve durable", dit Sadok Abdallah, 28 ans, un habitant de Sanaa, dont
le scepticisme est partagé par Ali al-Douch : "On se moque de nous avec
une trêve de trois jours."
"Nous voulons un arrêt de la guerre. Nous voulons nos salaires que nous
n'avons pas perçus depuis trois mois à cause de cette guerre absurde",
poursuit ce fonctionnaire de 32 ans, témoignant d'un sentiment de
frustration face à la situation périlleuse de la Banque centrale. Cette
banque a vu son siège transféré de Sanaa à Aden (sud) par une décision
en septembre du gouvernement Hadi qui accusait les rebelles d'avoir
puisé jusqu'à 1,6 milliard de dollars dans les réserves en devises de
cet établissement pour financer leur effort de guerre. "Les Houthis ont
maintenant de sérieux problèmes à payer les salaires et leur crainte
majeure est le risque d'une révolte contre eux", a estime l'analyste
Mustafa Alani du Gulf Research Center.
La grogne interne, conjuguée aux pressions des grandes puissances,
États-Unis en tête, pour mettre fin à une guerre au coût humain et
financier inquiétant, pourrait donner des chances à un apaisement. Les
Houthis "ont trois jours pour prouver au monde qu'ils assument leurs
responsabilités", a déclaré le porte-parole de la coalition arabe, le
général saoudien Ahmed Assiri. Intervenant sur la chaîne saoudienne
Al-Ekhbariya, il a fait état d'"un certain nombre de violations qui
seront prouvées". Et de menacer : "Si ces violations se poursuivent,
nous prendrons la mesure appropriée."
(20-10-2016)
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