Des Yéménites remplissent des jerricans d'eau le 18 octobre 2016 dans le port d'Hodeidah (Afp)
Un cessez-le-feu de 72 heures renouvelable doit entrer en vigueur
mercredi à minuit au Yémen où les belligérants, sous pression, semblent
plus disposés à des compromis pour mettre fin à la guerre qui dure
depuis 18 mois.
Annoncée lundi par l'ONU, cette trêve intervient dans un contexte
d'enlisement du conflit qui a fait 6.900 morts, 35.000 blessés, déplacé
trois millions de personnes et dévasté l'économie d'un pays considéré
avant même les hostilités comme le plus pauvre de la péninsule Arabique.
La guerre actuelle oppose depuis mars 2015 le gouvernement yéménite,
reconnu internationalement et soutenu par une coalition militaire arabe
sous commandement saoudien, à des rebelles chiites Houthis, accusés de
liens avec l'Iran et qui contrôlent la capitale Sanaa et de vastes
régions du nord, de l'ouest et du centre.
Cette sixième tentative de cessez-le-feu, sous l'égide de l'ONU, suit
une escalade marquée par une énorme bavure de l'aviation de la coalition
menée par Ryad, qui a coûté la vie, le 8 octobre à Sanaa, à 140
personnes et blessé 525 autres.
Le conflit a connu un autre développement majeur: des tirs de missiles
contre des navires de l'US Navy en mer Rouge et une riposte américaine
contre des batteries de radar situées en zone contrôlée par les
rebelles.
Dans ce contexte, la communauté internationale --Washington en tête-- a
multiplié les pressions sur les belligérants: le gouvernement du
président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenu par la coalition de pays
arabo-sunnites, et les rebelles Houthis pro-iraniens, alliés aux forces
de l'ex-chef d'Etat Ali Abdallah Saleh.
Mardi, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a demandé non seulement
le respect de la trêve, censée entrer en vigueur mercredi à 23H59 au
Yémen (20H59 GMT), mais aussi son renouvellement sans conditions. "Nous
demandons à toutes les parties de prendre toutes les mesures nécessaires
pour la mise en oeuvre de cette cessation (des hostilités), nous leur
demandons de la faire durer et nous encourageons fermement son
renouvellement sans conditions", a-t-il déclaré.
Mais le gouvernement de M. Hadi a posé comme conditions la mise en place
d'un comité d'observation de la trêve, la fin du siège de Taëz, grande
ville du sud-ouest encerclée par les rebelles, et la distribution sans
entraves de l'aide humanitaire.
Les rebelles se sont dits prêts à "un cessez-le-feu durable, global et
sans conditions, qui garantira la fin de l'agression (...), et la levée
du blocus imposé" par la coalition.
Les chances d'une trêve durable semblent réelles, souligne l'analyste Mustafa Alani.
"Je suis plus optimiste car l'environnement est complètement différent"
de celui de la dernière trêve avortée d'avril dernier, dit-il à l'AFP.
Et d'expliquer que "les grandes puissances sont impliquées cette fois
avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui exercent des pressions sur
les parties".
"En même temps, (les belligérants) sont épuisés en raison du coût humain
et financier du conflit. Les parties pensent qu'elles ne peuvent plus
le gagner militairement", poursuit ce spécialiste des questions de
sécurité au Gulf Research Center basé à Genève.
M. Kerry a souligné que la trêve est essentielle pour la relance des efforts de paix.
"Nous continuerons à travailler avec toutes les parties afin de conclure
un règlement négocié", a plaidé le responsable américain, dont le pays
est l'allié de l'Arabie saoudite mais qui la critique sur les victimes
civiles de la guerre au Yémen.
Pour M. Alani, une possibilité de compromis existe autour de la résolution 2216 (avril 2015) du Conseil de sécurité de l'ONU.
Ce texte, accepté par le président Hadi, engage les rebelles à se
retirer des zones qu'ils ont prises, à remettre les armes et à commencer
des discussions politiques. Les Houthis insistent quant à eux sur un
dialogue politique sans conditions.
Si les rebelles ne peuvent pas accepter la résolution 2216 en l'état,
ils peuvent, selon M. Alani, le faire en tenant compte de la proposition
faite par M. Kerry fin août, qui consiste à reprendre les pourparlers
de paix sur la base de la formation d'un gouvernement d'union nationale.
(19-10-2016)
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