Ancienne
capitale économique devenue un enjeu majeur de la guerre en Syrie,
Alep est divisée depuis 2012 entre des quartiers ouest, tenus par le
régime, et des zones est, contrôlées par ses opposants. (Afp)
La trêve « humanitaire » décrétée par Moscou dans la ville syrienne
d'Alep a expiré samedi soir sans que l'ONU n'ait réussi à évacuer aucun
blessé des quartiers assiégés faute de conditions de sécurité
suffisantes. La « pause humanitaire », entrée en vigueur jeudi matin,
devait prendre fin samedi à 19 heures, selon Moscou. Les huit corridors
établis pour permettre aux habitants et aux rebelles qui le souhaitent
de quitter les quartiers est de l'opposition, où vivent plus de 250 000
habitants, sont restés déserts. Ni Moscou ni le régime de Bashar el-Assad ne se sont exprimés samedi soir sur la trêve ou
sur une éventuelle prolongation.
Par ailleurs, dans le nord du pays, la Turquie a visé des milices kurdes
syriennes pour la seconde fois en deux jours, a rapporté samedi l'armée
turque citée par l'agence officielle Anadolu. Quelque 70 positions des
Unités de protection du peuple kurde (YPG), branche armée du parti kurde
syrien PYD, ont été visées vendredi, a déclaré l'armée dans un
communiqué sans préciser s'il y avait des victimes parmi les rebelles
kurdes. Deux rebelles syriens, soutenus par Ankara, ont été blessés lors
d'échanges de tirs contre des combattants de l'YPG, dans la ville
syrienne de Jarabulus (nord). Jeudi, l'armée turque avait annoncé avoir
mené une série de frappes contre ces milices kurdes dans la région
d'Alep affirmant avoir tué jusqu'à 200 combattants.
Accusés par les Occidentaux de commettre des « crimes de guerre » à
Alep, le régime du président Bachar al-Assad et son allié russe avaient
suspendu mardi une offensive meurtrière lancée le 22 septembre pour
reprendre les quartiers de la rébellion, avant que Moscou ne décrète la
trêve. Car les bombardements intenses sur Alep-Est ont fait environ 500
morts et 2 000 blessés, selon l'ONU, entraînant également la destruction
d'infrastructures civiles, notamment des hôpitaux. Samedi matin, un
photographe de l'Agence France-Presse présent côté régime s'est rendu au
passage de Boustane al-Qasr et a constaté que celui-ci était désert. Un
scénario identique avait eu lieu jeudi et vendredi.
« Jusqu'à maintenant, personne n'est sorti par les couloirs », avait
confirmé plus tôt dans la journée samedi à l'Agence France-Presse le
directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami
Abdel Rahmane. « Des comités populaires civils venant des quartiers du
régime sont entrés dans les quartiers est pour tenter d'évacuer des
blessés, mais ils n'ont pas réussi », a-t-il ajouté. Les autorités
russes et les médias étatiques syriens ont accusé les rebelles
d'empêcher toute personne de quitter leur secteur, le chef de la
diplomatie russe Sergueï Lavrov assurant même que les combattants
avaient recours « aux menaces, au chantage et à la force brute » pour
bloquer les couloirs.
L'ONU avait également prévu d'évacuer les premiers blessés vendredi,
mais a finalement reporté ses opérations, car les « assurances
concernant les conditions de sécurité » n'avaient pas été remplies.
L'organisation internationale a toutefois demandé à la Russie de
prolonger la trêve jusqu'à lundi soir. Selon l'ONU, 200 personnes
blessées et malades doivent être évacuées de toute urgence des quartiers
rebelles d'Alep. Au final, seuls huit rebelles blessés et sept civils
ont emprunté les corridors humanitaires, indiquait vendredi soir à
Moscou le général Sergueï Roudskoï, un haut responsable de l'état-major
russe.
Ancienne capitale économique devenue un enjeu majeur de la guerre en
Syrie, Alep est divisée depuis 2012 entre des quartiers ouest tenus par
le régime et des zones est contrôlées par ses opposants. L'armée
syrienne encercle les quartiers rebelles depuis début juillet. Dans la
nuit de vendredi à samedi, des combats sporadiques et des tirs d'obus
ont également opposé rebelles et forces du régime à la périphérie
d'Alep, selon l'OSDH. « Le régime et les rebelles ont chacun renforcé
leurs effectifs militaires, ce qui nous fait craindre, en cas d'un échec
du cessez-le-feu, une vaste opération militaire », a prévenu Rami Abdel
Rahmane.
Le général Roudskoï avait accusé vendredi les rebelles de « profiter du
cessez-le-feu » pour préparer une offensive de grande ampleur. À New
York, le Conseil de sécurité des Nations unies a reçu vendredi soir un
rapport confidentiel concluant que l'armée syrienne avait mené une
attaque à l'arme chimique, sans doute au chlore, à Qmenas, dans la
province d'Idleb (Nord-Ouest), le 16 mars 2015. En revanche, les experts
onusiens n'ont pas réuni de preuves suffisantes pour déterminer la
responsabilité de deux autres attaques chimiques, à Binnish (même
province) en mars 2015, et à Kafr Zita (province de Hama, centre) en
avril 2014, selon le rapport dont l'Agence France-Presse a obtenu des
éléments. Le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault a réclamé
samedi que le Conseil de sécurité de l'ONU adopte une résolution
condamnant l'usage d'armes chimiques en Syrie et prévoyant des
« sanctions » contre les auteurs de ces actes « inhumains ».
Au total, sur les neuf attaques chimiques présumées étudiées par les
experts, trois ont été attribuées au régime syrien et une au groupe État
islamique, au gaz moutarde, à Marea, près d'Alep, en août 2015. Plus
tôt dans la soirée, les Nations unies avaient annoncé avoir nommé une
commission d'enquête « indépendante » sur l'attaque d'un convoi
humanitaire le 19 septembre près d'Alep, qui avait fait au moins 18
morts.
(22-10-2016)
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