Des
combattants des Unités de la mobilisation populaire, font le signe de
la victoire dans un village du sud de Mossoul à Ayn Nasir, le 29
octobre 2016 (Afp)
L'un s'est soulevé contre les terroristes, l'autre a été entièrement vidé de ses habitants : deux villages irakiens voisins ont vécu deux destins opposés peu après le lancement de l'offensive contre le prétendu " califat" du groupe terroriste Daesh.
"Nous sommes le premier village qui s'est libéré lui-même des terroristes" : en dépit d'une raideur à l'épaule, où il a été blessé par balle, Yassine Ahmed Ali sourit fièrement en désignant une voiture de djihadistes criblée d'impacts. À Tall Allazagah, dans la vallée du Tigre, à 30 km au sud de Mossoul, c'est la population qui a chassé Daesh, avant l'arrivée des forces de sécurité. "Le 17 octobre, vers 13 heures, un groupe de terroristes est arrivé avec une liste de personnes à exécuter. Chez nous, malgré deux ans d'occupation, personne n'a voulu leur prêter allégeance et ils savent que beaucoup d'habitants ont travaillé dans les services de sécurité", explique Abou Ghanim Al-Joubouri, 48 ans. "Nous avons sorti les kalachnikovs que nous avions enterrées. J'ai ouvert le feu et j'ai blessé un terroriste !", se réjouit-il.
Des impacts dans les murs témoignent de l'affrontement, ainsi qu'une veste explosive découverte sur le corps d'un combattant de Daesh, manipulée sans grande précaution. Au moins un habitant du village a été tué. "Ils ont laissé son corps au milieu de la rue, en espérant tirer sur ceux qui viendraient le chercher", assure Abou Ghanim Al-Jabouri. Après une fusillade de plusieurs heures, les terroristes ont pris la fuite, les traînards étant abattus par les forces d'intervention rapide de la police, arrivées à la tombée de la nuit. "Maintenant, la première chose dont on a besoin, c'est la liberté. Qu'on arrête de nous dire comment porter la barbe, comment s'habiller, que nos femmes doivent toutes être en abaya noir... Après il faut que les enfants puissent aller à l'école, qu'on ait l'électricité, un hôpital", énumère en français Yassine Ahmed Ali, 52 ans, qui a jadis fait partie de la délégation irakienne aux Nations unies à Genève. Autour du village, les signes de destruction abondent : maisons endommagées, carcasses de voitures calcinées. À côté d'un vieux slogan noir à la gloire de Daesh, un graffiti rouge tout récent proclame que "Fatima aime Jassim".
Les accès sont contrôlés par des miliciens du Hachd al-chaabi (mobilisation populaire), des brigades paramilitaires majoritairement chiites, qui ont aussi établi des positions dans les villages, tous sunnites. Dans le hameau voisin de Safina, pas un bruit : la quasi-totalité de la population a été contrainte de suivre les terroristes au moment de leur retraite. Seule Oum Saber, 83 ans, est parvenue à échapper à ce sort. "Je savais que je n'étais pas en état de marcher, mais qu'ils étaient capables de me tuer si je ne les suivais pas. Alors je me suis cachée dans cette maison, qui servait de quartier général à Daesh, et ils n'ont pas eu l'idée de venir m'y chercher. Quand les militaires sont arrivés, j'étais tellement heureuse que j'ai embrassé leurs chaussures !", témoigne la vieille femme au dos voûté, dont le front et le menton sont tatoués de symboles traditionnels.
Said Oum Sabreen, 27 ans, a elle fini par s'échapper avec son mari et ses enfants de la masse des captifs. "Le matin du 19 octobre, ils ont utilisé le haut-parleur de la mosquée pour nous ordonner d'évacuer le village. Ils nous ont rassemblés comme un troupeau et on a marché, marché, marché", se rappelle la jeune femme. "Ils ont tué les jeunes hommes et ont jeté leurs corps dans la rivière. Nous étions si fatigués que nous ne pouvions plus faire un pas, alors nous nous sommes cachés dans un entrepôt. Mais ma soeur et ses enfants sont toujours prisonniers", ajoute-t-elle avec angoisse.
L'ONU a indiqué que Daesh aurait kidnappé près de 8 000 familles autour de Mossoul et qu'au moins 250 personnes, pour la plupart des anciens membres des forces de sécurité, avaient été assassinées par les djihadistes pendant leur repli. "Daesh transfère les habitants des villages à l'intérieur de Mossoul. Ils serviront au mieux à gêner la progression des troupes, au pire de boucliers humains", craint un officier supérieur de l'armée irakienne.
(30-10-2016)
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