lundi 31 octobre 2016

Maroc : "Personne n'avait le droit de le traiter ainsi"

Des milliers de personnes ont manifesté dimanche au Maroc après la mort vendredi d'un poissonnier écrasé dans une benne à ordures
La mort tragique de ce jeune trentenaire, vendeur de poisson, broyé par une benne à ordures, a suscité une vague d'indignation et de manifestations au Maroc, où les autorités ont affiché leur volonté de « punir » les responsables de ce drame.

Images choquantes
Les circonstances effroyables de sa mort, filmée sur un téléphone portable et diffusée sur internet, ont choqué la population. Une photo de la victime inanimée, la tête et un bras dépassant du mécanisme de compactage, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux, qui ont relayé des appels à manifester dans tout le pays. Dimanche, des milliers de personnes ont participé aux funérailles du jeune homme, rendant hommage au « martyr Mouhcine » et marchant pendant plusieurs heures dans le calme du centre-ville d'Al-Hoceima jusqu'à la localité d'Imzouren, où la dépouille a été inhumée.

Marée humaine
Le soir même, une marée humaine a envahi le centre-ville d'Al-Hoceima, a constaté un journaliste de l'AFP. « Criminels, assassins », scandaient notamment les milliers de manifestants, « Arrêtez la hogra (l'arbitraire) », ou encore « Écoute makhzen (palais royal), on n'humilie pas le peuple du Rif ! » Le rassemblement, au fort accent identitaire berbère et revendiquant l'héritage rebelle de la région, s'est déroulé jusqu'à 21 h 30 (locales et GMT) sans incident.
Des manifestations de moindre ampleur ont eu lieu dans plusieurs autres villes du Rif, mais aussi – fait peu ordinaire – à Casablanca, Marrakech et Rabat, où plus d'un millier de personnes ont défilé au cri de « Nous sommes tous Mouhcine ! », brandissant la photo de la victime ou une pancarte provocatrice « Bienvenue à la COP22, ici on broie les gens ».

Enquête
Actuellement en Tanzanie, au terme d'une tournée diplomatique en Afrique de l'Est, le roi Mohammed VI a dépêché dimanche à Al-Hoceima son ministre de l'Intérieur Mohammed Hassad qui est venu « présenter les condoléances et la compassion du souverain à la famille du défunt ». Le roi a donné des instructions « pour qu'une enquête minutieuse et approfondie soit diligentée (...) », alors que l'Intérieur avait déjà annoncé l'ouverture d'une enquête, conjointement avec le parquet local, au lendemain du drame.
Les circonstances exactes de la mort de Mouhcine Fikri restent à établir, et le ministre Hassad s'est dit, dans un entretien à l'AFP, « déterminé à établir les circonstances exactes du drame et à en punir les responsables ». La victime avait refusé d'obtempérer à un barrage de police, et avait en suite été interceptée, avec dans sa voiture « une quantité importante d'espadon, une espèce interdite à la pêche », a récapitulé le ministre. « Décision a été prise de détruire la marchandise illégale. Toutes les questions se posent après ça », a-t-il expliqué.

Conclusions d'ici quelques jours
« Personne n'avait le droit de le traiter ainsi », a déploré M. Hassad. « On ne peut pas accepter que des responsables agissent dans la précipitation, sous la colère, ou dans des conditions qui ne respectent pas le droits des gens », a-t-il souligné, promettant les conclusions de l'enquête d'ici « quelques jours ». La ville côtière d'Al-Hoceima, comptant environ 55 000 habitants, fut le cœur de la révolte contre le colonisateur espagnol dans les années 1920, puis le théâtre d'une insurrection populaire en 1958.
Longtemps délaissée sous le règne de Hassan II, la région du Rif a une réputation de frondeuse et entretient des relations difficiles avec le pouvoir central. Elle fut aussi l'un des principaux foyers de la contestation lors du mouvement du 20 Février, la version marocaine des Printemps arabes en 2011. Le suicide d'un vendeur ambulant fin 2010 en Tunisie est souvent vu comme l'un des éléments déclencheurs de ces Printemps arabes. L'homme s'était immolé par le feu en réaction à la saisie de sa marchandise par les autorités.
En pointe dans les manifestations de 2011, l'Association marocaine des droits humains (AMDH) a « dénoncé » le rôle de l'État qui « foule aux pieds la dignité des citoyens » et mis en garde contre « une possible répétition » du mouvement du 20 Février. Un scénario particulièrement délicat pour les autorités alors que s'ouvre dans une semaine à Marrakech la conférence internationale sur le climat, la COP22, dont Rabat entend faire une vitrine internationale.

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