L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie a prévenu jeudi que les
quartiers rebelles d'Alep risquaient d'être "totalement détruits" d'ici
la fin de l'année si le régime et la Russie poursuivaient leur vaste
offensive militaire. Cette opération aéro-terrestre continuait sans
répit jeudi avec la reprise de nouvelles positions rebelles par les
forces loyales au régime de Bashar el-Assad.
Leur avancée s'accélère malgré l'annonce par Damas mercredi soir d'une
réduction de l'intense campagne de bombardements menée depuis plus de
dix jours. Cette offensive alarme de nombreux pays et l'ONU, dont
l'envoyé spécial Staffan de Mistura, qui tente en vain depuis des mois
de promouvoir une issue politique à ce conflit meurtrier. "Dans deux
mois, deux mois et demi au maximum, à ce rythme, la partie est d'Alep
risque d'être totalement détruite", a-t-il prévenu lors d'une conférence
de presse. "Nous parlons de la vieille ville en particulier, et des
milliers de civils syriens vont être tués", a-t-il ajouté.
250 000 à 275 000 personnes, selon les estimations, sont toujours
présentes à Alep-est, totalement assiégée par les troupes du régime et
inaccessible à l'aide internationale. Staffan de Mistura a précisé que
376 personnes avaient été tuées et 1 266 autres blessées par les
bombardements menés depuis le 22 septembre par l'armée de vauriens de Bashar et son
alliée russe. Cette offensive avait été lancée après l'échec le 19
septembre d'un cessez-le-feu, qui aurait pu mener Moscou et Washington à
coordonner leurs frappes aériennes en Syrie, après avoir tenu moins de
dix jours.
Ces derniers jours, les raids se sont calmés au fur et à mesure que se
développait l'offensive terrestre qui a permis aux troupes pro-régime
d'avancer dans l'est d'Alep. Ces dernières heures, "il y a eu de très
violents combats" mais "pas de frappes" aériennes, a indiqué jeudi Rami
Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme
(OSDH). "Les forces du régime se sont emparées de six positions
majeures" dans le quartier de Boustane al-Bacha, dans le nord de la zone
rebelle, a-t-il ajouté. Environ la moitié de ce quartier est désormais
sous le contrôle des forces du régime qui progressent également vers le
quartier voisin de al-Halak à partir du nord. Il s'agit d'une avancée
"sans précédent" du régime depuis la reconquête en 2013 de quelques
secteurs repris aux rebelles, a souligné l'OSDH.
L'armée de Bashar avait annoncé mercredi avoir réduit ses bombardements
notamment "pour permettre aux civils qui veulent partir d'atteindre des
zones sûres". C'est de la "propagande" pure, souligne Emile Hokayem, de
l'International Institute for Strategic Studies, selon qui "le régime et
ses alliés ont pris la décision de conquérir autant de secteurs
rebelles que possible et ils travaillent à cela".
Selon Thomas Pierret, expert de la Syrie, cette décision de Damas
pourrait être un moyen de faire baisser la pression internationale après
le tollé suscité par l'offensive à Alep. L'offensive a "dopé en
Occident les défenseurs d'une approche plus dure" sur la Syrie,
souligne-t-il. C'est le cas en particulier des États-Unis qui ont
interrompu lundi leurs discussions avec Moscou sur le rétablissement
d'un cessez-le-feu, même si les contacts sont maintenus entre le
secrétaire d'État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï
Lavrov.
Pour tenter de sortir de l'impasse diplomatique, le ministre français
des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault est attendu à Moscou jeudi
puis à Washington vendredi. Jean-Marc Ayrault, qui veut pousser un
projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur un
cessez-le-feu à Alep, entend dire aux responsables russes que la
situation est "choquante et honteuse", et qu'"il faut arrêter le
massacre". Les 15 membres du Conseil de sécurité étudient depuis lundi
le projet de résolution français, qui appelle à rétablir un
cessez-le-feu à Alep pour permettre un accès humanitaire aux quartiers
assiégés.
La Russie est "prête à travailler sur ce projet, a indiqué jeudi Sergueï
Lavrov. Staffan de Mistura a évoqué jeudi une autre piste en lançant un
appel aux combattants de l'organisation djihadiste Front Fateh al-Cham
(ex-Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda) pour qu'ils quittent
l'est d'Alep. "Si vous décidez de partir en dignité et avec vos armes
(...) je suis personnellement prêt à vous accompagner", a affirmé le
diplomate, indiquant qu'il y avait au total environ 8 000 combattants
dans l'est d'Alep, dont 900 du Front Fateh al-Cham.
Ailleurs en Syrie, au moins 29 rebelles ont été tués et 20 autres
blessés jeudi par une explosion dans la province d'Idleb (nord) à la
frontière turque, selon l'OSDH. Le groupe Daesh a revendiqué cette
attaque visant les forces participant à l'opération "Bouclier de
l'Euphrate", lancée le 24 août par la Turquie.
(06-10-2016 )
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