Les combats faisaient rage samedi entre régime syrien et rebelles au
coeur d'Alep, le jour où ont été discutés à l'ONU deux textes rivaux
appelant à un cessez-le-feu dans la métropole meurtrie. Sans véritable
surprise, ma Russie a mis samedi son veto au texte appelant à la
cessation des bombardements sur Alep proposé par la France, empêchant
son adoption. "Un pays qui mettrait le veto à cette résolution serait
discrédité aux yeux du monde. Il serait responsable de la poursuite des
exactions", avait déclaré François Hollande lors d'un déplacement en
Corrèze. Sur les quinze pays membres du Conseil de sécurité, seuls la
Russie et le Venezuela se sont opposés à la proposition française. La
Chine et l'Angola se sont abstenus. Les onze autres pays du Conseil,
dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont soutenu le texte.
L'autre résolution défendue par la Russie, qui réclamait une cessation
des hostilités sans évoquer ces bombardements a été rejetée par le
Conseil de sécurité.
Deux semaines après le lancement par l'armée syrienne d'une offensive
d'envergure avec l'appui aérien de Moscou pour reprendre la partie
rebelle d'Alep qui lui échappe depuis 2012, les troupes du régime
continuaient de grignoter le territoire des insurgés sur trois axes.
« La bataille se déroule au centre, notamment dans le quartier de
Boustane al-Bacha où l'armée avance, dans le sud, à Cheikh Saïd, et à la
périphérie nord, où le régime a pris le quartier d'Ouwayja », a indiqué
à l'Agence France-Presse Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH.
Les combats et les bombardements, dont des raids aériens, n'ont pas
cessé de la nuit, a rapporté de son côté le correspondant de l'Agence
France-Presse dans la partie rebelle. Alep est le principal enjeu du
conflit qui ravage la Syrie depuis cinq ans, faisant plus de 300 000
morts et provoquant la pire tragédie humanitaire depuis la Seconde
Guerre mondiale. La partie est de la ville a été ravagée par des
bombardements d'une extrême violence qui ont tué des centaines de
personnes et détruit des infrastructures civiles.
Les chefs de la diplomatie américaine et française, John Kerry et
Jean-Marc Ayrault, ont dénoncé vendredi à Washington des « crimes de
guerre » perpétrés contre des hôpitaux et des écoles à Alep, où 250 000
habitants sont assiégés depuis pratiquement plus de deux mois. John
Kerry a notamment dénoncé « une stratégie ciblée pour terroriser les
civils et quiconque se met en travers de leurs objectifs militaires »,
en allusion au régime et à Moscou.
À l'ONU, le texte russe, obtenu par l'Agence France-Presse vendredi,
« réclame l'instauration immédiate d'une cessation des hostilités,
notamment à Alep », et demande à toutes les parties de permettre l'accès
à l'aide humanitaire. Mais l'ambassadeur britannique Matthew Rycroft a
rejeté ce texte, estimant qu'il s'agissait d'une manoeuvre russe
destinée à « cyniquement détourner l'attention de la nécessité d'arrêter
les bombardements sur Alep ».
Le texte de Moscou a été présenté au Conseil peu après que la Russie eut
prévenu qu'elle était prête à bloquer le texte de la France avec son
droit de veto. « Je ne vois tout simplement pas comment nous pourrions
laisser cette résolution passer », a déclaré à la presse Vitali
Tchourkine, ambassadeur de Russie à l'ONU. Les membres du Conseil
négocient depuis une semaine cet autre projet de résolution de Paris
destiné à mettre un terme à l'intense bombardement de la ville assiégée
d'Alep, à permettre l'acheminement de l'aide humanitaire et à arrêter
tous les survols militaires de la ville.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a prévenu
que le vote de samedi serait « un moment de vérité pour tous les
membres du Conseil de sécurité (...), en particulier pour nos
partenaires russes », invoquant « une révolte de la conscience
humaine ». Jeudi, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de
Mistura, s'était alarmé d'une destruction totale d'Alep-Est d'ici
janvier et avait montré du doigt la Russie. Il avait aussi proposé que
les combattants de l'organisation djihadiste Front Fateh al-Cham (ex
Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda) quittent les quartiers de
l'est d'Alep et que le régime syrien et son allié russe suspendent leurs
bombardements après le départ des djihadistes. La Russie s'est dite
« prête à soutenir » cette initiative si le Front Fateh al-Cham partait
effectivement de la ville.
(08-10-2016)
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