mercredi 20 août 2014

Yémen : la rébellion accentue la pression, le pouvoir se dit prêt au dialogue

La rébellion chiite au Yémen a accentué mercredi la pression sur le gouvernement qui se dit pourtant prêt au dialogue pour désamorcer une crise qualifiée de "dangereuse", voire d’"explosive", par des analystes.
Des milliers de membres armés de la rébellion d’Ansaruallah ont poursuivi la fortification de leurs positions autour de la capitale Sanaa où ils mobilisent leurs partisans pour réclamer la démission du gouvernement, ont rapporté des correspondants de l’AFP.

Ce mouvement de protestation, également lié à une récente augmentation des prix du carburant, a été lancé dimanche à l’appel du chef d’Ansaruallah, Abdel Malek al-Houthi, qui a ordonné à ses partisans de marcher sur Sanaa afin de précipiter "la chute du gouvernement qui a échoué".

Pour tenter d’enrayer l’escalade, le président Abd Rabbo Mansour Hadi a tendu la main à la rébellion, qu’il a invitée au dialogue en vue de son entrée au gouvernement, a indiqué à l’AFP son conseiller, Farès al-Saqqaf.

Selon lui, cette offre a été décidée au terme d’une réunion mercredi matin à Sanaa, à laquelle le chef de l’Etat a convié des représentants des partis politiques, des corps élus, des organisations de la société civile et de l’armée, qui ont jugé "inacceptable" la nouvelle action d’Ansarullah, a-t-il dit.

Une délégation issue de la réunion doit rencontrer jeudi Abdel Malek al-Houthi dans son fief à Saada (nord) pour "lui remettre une lettre (...) l’invitant au dialogue et l’incitant (...) à participer à un gouvernement d’unité nationale", a ajouté M. Saqqaf.

Le gouvernement, mis en place après le départ en février 2012, sous la pression de la rue, de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, est confronté à des difficultés économiques, accentuées par une vague de violences attribuée à Al-Qaïda, mais aussi à la rébellion dans le nord et à un mouvement sécessionniste dans le sud.
"La situation à Sanaa est explosive et pourrait donner lieu à de mauvais calculs", a estimé l’analyste April Longley Alley, spécialiste des affaires du Yémen, ajoutant que les rebelles d’Ansaruallah "exploitent une frustration généralisée (...) pour obtenir des concessions politiques".

La démonstration de force des rebelles témoigne cependant d’"un marchandage politique de plus en plus dangereux" de la part de ces insurgés qui veulent "s’imposer comme force politique dominante dans le nord et au sein du gouvernement", a dit cette experte de l’International Crisis Group.

Ansaruallah, qui contrôle la région de Saada, est soupçonné de vouloir élargir sa zone d’influence dans le futur Etat fédéral qui doit compter six provinces. Les rebelles étaient arrivés en juillet aux portes de Sanaa en prenant la ville d’Amrane, dont ils ont ensuite accepté de se retirer.

Mais la mobilisation rebelle apparaît peut-être plus forte cette fois.

Aux entrées nord, sud et ouest de la capitale, des rebelles s’employaient mercredi à construire des fortifications en terre autour de leurs campements, formés de dizaines de tentes.

Des hommes, armés de kalachnikov, tenaient des points de contrôle autour de ces campements, survolés en matinée par des avions de l’armée de l’air yéménite, mais en l’absence d’une présence militaire ou policière dans leurs environs immédiats.

Le chef d’Ansaruallah a fixé aux autorités un ultimatum expirant vendredi pour satisfaire ses revendications, faute de quoi d’autres formes d’actions "légitimes" seront menées, a-t-il prévenu, sans préciser lesquelles.
"Notre action est pacifique mais si nos militants sont agressés, nous couperons la main de l’agresseur", a déclaré à l’AFP Abou Ali al-Asdi, porte-parole des protestataires rassemblés à l’ouest de Sanaa.
"L’éviction du gouvernement est une demande populaire et nous sommes contre les corrompus de tout bord", a-t-il ajouté.

La tension est aussi vive au sud de la capitale où des centaines d’hommes en armes ont aménagé un vaste campement à une centaine de mètres du principal axe routier reliant Sanaa au sud du pays.

"On se donne rendez-vous samedi. Le gouvernement tombera ce jour-là", a déclaré à l’AFP Mohamed al-Hojari, un rebelle armé, en poste aux confins de ce campement en cours de fortification et où des véhicules continuaient d’acheminer des protestataires.

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