Les miliciens chiites de l’Armée du Mahdi ont combattu quatre ans
durant les troupes américaines en Irak. Mais aujourd’hui, face aux
combattants aguerris de l’Etat islamique (EI), certains n’hésitent pas à
demander l’aide de l’ancien ennemi.
"Juste quelques frappes aériennes", demande Hassan, 27 ans, venu
prêter main forte aux miliciens chiites défendant Jurf al-Sakhr, une
vaste région agricole à 50 km au sud de Bagdad.
"Pas trop, car nous devons gagner cette bataille nous-mêmes, mais une
aide serait bienvenue, surtout ici", estime ce jeune homme originaire
de la capitale irakienne.
Jurf al-Sakhr, où l’Euphrate irrigue vergers et palmeraies, est
stratégiquement située sur une route reliant des fiefs de l’EI dans
l’ouest à des villes saintes chiites au sud de Bagdad. Sa prise
permettrait aux jihadistes de se rapprocher de la ville sainte de
Kerbala et de resserrer leur étau autour de la capitale.
Face à l’avancée des jihadistes sunnites qui se sont emparés de
larges pans de territoires à l’ouest, au nord et à l’est de Bagdad à la
faveur d’une vaste offensive lancée le 9 juin, les dignitaires religieux
chiites ont appelé à prendre les armes pour défendre la nation.
Et le fondateur de l’Armée du Mahdi, Moqtada al-Sadr, a appelé à
défendre les lieux saints de l’islam chiite, en annonçant la formation
des Saraya al-Salam (les brigades de la paix, en arabe).
Des volontaires ont ainsi rejoint le front de Jurf al-Sakhr, sous la
bannière des Saraya al-Salam qui comptent dans leurs rangs nombre
d’anciens combattants de l’Armée du Mahdi.
La région change de mains tout le temps et les positions conquises
sont difficiles à tenir en raison des combats meurtriers entre d’une
part les miliciens chiites et l’armée et de l’autre les jihadistes.
En voyant les forces kurdes bénéficier d’un soutien aérien américain
contre l’EI dans le Nord, des miliciens voudraient bien eux aussi être
aidés. Même par l’ancien ennemi américain dont les dernières troupes ont
quitté l’Irak fin 2011 après huit ans de présence.
"J’ai combattu l’occupation américaine de 2004 à 2006", affirme Saad
Thijil, 30 ans, un fusil en bandoulière. "Maintenant, bien sûr, nous
avons besoin d’un soutien américain, en particulier des conseillers
militaires".
"Mais nous ne voulons aucune présence de troupes (américaines) en Irak", dit-il aussitôt.
En 2004, Moqtada al-Sadr avait lancé l’Armée du Mahdi combattre les
troupes américaines qui avaient envahi l’Irak un an plus tôt. Cette
milice, qui a été impliquée dans les violences confessionnelles
sanglantes en 2006 et 2007, a ensuite été dissoute en 2008.
Mais après l’offensive jihadiste, de nombreux miliciens ont repris du service dans les rangs des Saraya al-Salam.
L’un des chefs de Saraya al-Salam, Hakim al-Zamili, arrive pour
inspecter le front de Jurf al-Sakhr, accueilli par des salves d’honneur,
certains miliciens utilisant des ceintures entières de munitions.
L’EI "est fort car ses membres sont durs et croient en une cause",
lance-t-il à ses lieutenants. "Les combattants que (les jihadistes)
affrontent devraient eux aussi croire en (une cause) et être encore plus
durs".
Hakim al-Zamili avait été accusé d’avoir dirigé un escadron de la
mort ayant enlevé et exécuté des centaines de sunnites entre 2005 et
2007. Mais il a été acquitté par un tribunal et est aujourd’hui député.
"Nous ne voulons pas que les Américains reviennent en Irak. Nous ne
voulons pas d’une nouvelle occupation. Nous voulons seulement leur
soutien sous forme de raids aériens", déclare-t-il.
Mais, alors que la pression monte pour que Washington étende ses
frappes au delà du Nord, une aide américaine à l’ex-Armée du Mahdi
semble peu probable.
Quand le gouvernement dominé par les chiites avait réclamé en juin
des raids américains, l’ex-commandant en chef des forces américaines en
Irak David Petraeus avait prévenu que son pays ne devraient pas devenir
"une force aérienne pour des milices chiites".
De plus Moqtada al-Sadr s’est opposé à la présence de centaines de
conseillers militaires envoyés par les Etats-Unis pour aider les
autorités irakiennes.
Et pour certains membres des Saraya al-Salam, toute bataille remportée avec un soutien américain serait une semi-défaite.
"Nous n’avons pas besoin de l’Amérique. Nous sommes des braves, nous
avons assez d’armes et d’expérience", dit Ali Abou Hassan, à la tête
d’une unité d’élite de la milice. Et sans hésiter lance : "Quiconque
réclame des frappes américaines est un traître".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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