24 heures après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, Benyamin
Netanyahou a fini par s’adresser au public israélien. Pas de discours à
la nation, mais une conférence de presse au cours de laquelle il a
martelé : "Le Hamas a subi des coups très durs. Les plus importants
depuis sa création. Il a accepté le cessez-le-feu sans obtenir une seule
de ses exigences. Il voulait un port, un aéroport, la libération des
prisonniers palestiniens, une médiation du Qatar, puis de la Turquie, le
paiement des salaires de ses fonctionnaires. Il n’a rien obtenu. La
reconstruction de Gaza se fera pour des raisons humanitaires, uniquement
sous notre contrôle."
Ces explications vont-elles satisfaire le public israélien ? Rien
n’est moins sûr pour l’instant. Les sondages diffusés tout juste avant
les déclarations du Premier ministre ne sont pas bons. Selon la seconde
chaîne de la télévision israélienne, seuls 32 % des personnes
interrogées se sont déclarées satisfaites de la gestion du conflit par
Benyamin Netanyahou. Il y a 59 % de mécontents qui estiment également
qu’Israël est le grand perdant de cette guerre. 54 % rejettent l’accord
de cessez-le-feu. Autre sondage, celui de la chaîne 10, avec cette
question : "Quel est le vainqueur de l’opération Bordure protectrice ?"
25 % se prononcent pour le Hamas, 32 % pour Israël et 26 % ni pour l’un,
ni pour l’autre. Et puis 37 % pensent que la trêve tiendra moins de six
mois ; 22 %, un an et 13 % seulement plus de deux ans.
Des chiffres qui reflètent l’atmosphère de scepticisme chez les
Israéliens en général et plus particulièrement au sein de la population
du sud du pays. Le pic de défiance étant atteint dans les localités
frontalières avec Gaza, les plus éprouvées par les tirs du Hamas. Là, le
discours de la population est sans équivoque. Elle dit avoir perdu
toute confiance dans le gouvernement et ses promesses. Les responsables
des kibboutz et des villages agricoles du secteur ont d’ailleurs
conseillé aux familles parties se mettre à l’abri dans le nord et le
centre d’Israël d’attendre quelques jours avant de regagner leur
domicile. Le temps de voir si le cessez-le-feu tiendra.
Un état d’esprit qui fait l’affaire des adversaires politiques de
Benyamin Netanyahou au sein de la droite. Avigdor Lieberman, le ministre
des Affaires étrangères et patron de la formation Israël Beïtenou,
Israël notre maison, répète à qui veut l’entendre que l’accord avec le
Hamas et les négociations qui doivent s’engager au Caire constituent une
erreur gravissime : "Aussi longtemps que le Hamas contrôlera Gaza, il
ne sera pas possible d’assurer la sécurité des citoyens d’Israël et de
parvenir à un accord politique." Le ton est identique chez son collègue à
l’Économie, Naftali Bennet, le chef du parti religieux pro-colons, La
Maison juive. Il qualifie la politique suivie par Netanyahou d’erreur
fondamentale et promet de s’opposer au déploiement de policiers
palestiniens, appartenant à l’Autorité autonome de Ramallah, aux points
de passage entre Israël et Gaza.
Pourtant, dans son propre parti, Bennett n’est pas suivi par tout le
monde. Sur une radio privée, Pinhas Wallerstein, ancien président du
comité des implantations et un des fondateurs du mouvement de
colonisation, a pris la défense de Netanyahou. "En acceptant ainsi
l’arrêt des combats et en empêchant la prise de contrôle de Gaza par
l’Autorité autonome, le Premier ministre a sauvé les implantations de
Cisjordanie. Si Mahmoud Abbas avait récupéré Gaza, la communauté
internationale nous aurait obligés à négocier avec lui et nous aurions
perdu la Judée et la Samarie (la Cisjordanie)."
Benyamin Netanyahou en sauveur du "Grand Israël" ? Ce n’est pas
l’avis de tout le monde au Likoud où il fait face à une véritable
fronde. Elle est menée par le président du comité central, Dany Danon,
qui, au début de l’opération, fut limogé de son poste de vice-ministre
de la Défense. Il avait qualifié la politique de M. Netanyahou de
"gauchiste". Cela lui a été fatal. Aujourd’hui, il entend prendre sa
revanche en convoquant pour dans deux semaines les instances du parti
afin de "mettre les choses au clair". Une façon de surfer sur ceux qui,
au sein de la droite nationaliste, reprochent à Netanyahou et à son
ministre de la Défense de ne pas avoir été assez loin dans leur
offensive contre le Hamas.
L’autre grand dossier qui risque fort de renforcer l’agitation
politique est économique et social. Cinquante jours de conflit ont coûté
très cher au pays. Les entreprises et les commerces du sud d’Israël,
paralysés pour la plupart pendant près de deux mois, ont été contraints
de licencier ou de mettre leurs employés au chômage technique. Le
tourisme est en berne. Les dépenses militaires se chiffrent en
milliards. Déjà, le ministre des Finances annonce des coupes sombres
dans les budgets de tous les ministères sauf la défense. Sont touchées,
l’Éducation, la Santé, l’Aide sociale, etc. Pour l’instant, il n’est pas
question d’augmenter les impôts. Mais la gouverneur de la Banque
d’Israël considère qu’il n’y aura pas le choix et qu’il faudra bien y
venir. Toutes choses qui ne devraient pas améliorer la cote de
popularité de Netanyahou et de son gouvernement.
(28-08-2014 - Danièle Kriegel )
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