Israéliens et Palestiniens se sont empressés de revendiquer la
victoire à Gaza. Pourtant, estiment les experts, le Hamas n’a pas obtenu
plus que des promesses, tandis que cette nouvelle guerre à Gaza a
attisé les divisions des dirigeants israéliens. Difficile de dire qui
sort vainqueur du conflit qui a fait plus de 2 140 morts du côté
palestinien, ravagé la bande de Gaza et infligé à Israël ses plus
lourdes pertes militaires depuis 2006, car, estime Eyal Zisser, de
l’institut israélien Moshe Dayan pour les études sur le Moyen-Orient et
l’Afrique, "après cinquante jours de combats, les deux parties étaient
épuisées, c’est pour cela qu’il y a eu cessez-le-feu".
Pour Jean-François Legrain, chercheur au CNRS et à l’Institut de
recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam), "les
revendications de victoire des deux camps relèvent de la communication à
destination de leurs opinions publiques". Dans le territoire exigu où
Israéliens et Palestiniens s’affrontent depuis près de cinquante ans,
"encore une fois, ce fut une guerre pour rien, puisqu’aucune des
questions de fond n’a été résolue", affirme Karim Bitar, directeur de
recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques
(Iris). "L’accord est flou et imprécis et on repousse aux calendes
grecques les questions qui fâchent", poursuit-il. Cet accord, négocié
par les Égyptiens, prévoit l’ouverture des passages entre Israël et la
bande de Gaza et un allègement du blocus imposé depuis 2006 par Israël
qui asphyxie les 1,8 million de Gazaouis.
En 2012 déjà, pour mettre fin à une autre guerre, Israël et le Hamas
avaient signé un accord quasi similaire. À l’époque, explique
Jean-François Legrain, "Israël n’avait pas tenu parole, alors qu’aucune
roquette n’a été tirée, même lorsque l’État hébreu a mené des
éliminations ciblées dans la bande de Gaza". "La question se pose de
nouveau aujourd’hui", poursuit-il. Mais le Hamas prend ce risque,
affirme Jean-François Legrain, car "un accord qui mentionne une levée
partielle du blocus peut être présenté comme une victoire : s’il n’était
pas levé dans les faits, le Hamas n’en encourra pas la responsabilité".
Quant aux questions les plus sensibles - la libération de prisonniers
palestiniens, l’ouverture d’un aéroport ou la démilitarisation de
Gaza -, elles ne sont pas réglées. Et le président Mahmoud Abbas a eu
beau prévenir que les Palestiniens ne s’engageraient pas dans de
nouvelles "négociations brumeuses" mardi soir, il était déjà acté que
les points litigieux seraient discutés "sous un mois" lors de nouveaux
pourparlers indirects au Caire. De quoi permettre aux deux camps de se
targuer de "succès" d’ici là. Ainsi, les dirigeants du Hamas, invisibles
pendant la guerre, sont ressortis pour célébrer leur "victoire",
assurant aux Gazaouis qu’ils auraient bientôt un port et un aéroport.
Mais mercredi, un proche du Premier ministre israélien Benyamin
Netanyahou douchait tous leurs espoirs. "Il n’y aura pas de port, pas
d’aéroport et aucun matériel pouvant servir à la production de roquettes
ou pour creuser des tunnels n’entrera" dans la bande de Gaza, a prévenu
le vice-ministre des Affaires étrangères Tzahi Hanegbi à la radio
publique. Et de conclure : "Israël a gagné sur le front militaire et
politique. Le Hamas, dont le principal objectif était de nous forcer à
lever le blocus, a échoué, toutes ses exigences ont été rejetées."
Au sein de la population israélienne toutefois, cette "victoire"
célébrée par les dirigeants israéliens arrive "trop tard", comme le
titrait la presse. "J’ai perdu confiance dans le gouvernement qui n’a
cessé d’hésiter depuis près de deux mois. Ce gouvernement a tout d’un
grand cirque", affirmait ainsi à la radio militaire Haïm Yellin, un élu
d’une des localités proches de la bande de Gaza qui ont subi les tirs
incessants de roquettes. "Les considérations de politique intérieure ont
pesé lourdement", indique Karim Bitar. "La popularité de Benyamin
Netanyahou commençait à flancher, le tourisme s’était effondré et
l’économie commence à montrer de sérieux signes de faiblesses", explique
ce spécialiste.
Lundi, un sondage annonçait que seuls 38 % des Israéliens étaient
satisfaits du Premier ministre, contre 82 % peu après le début de la
guerre le 8 juillet. Début août déjà, 51 % des Israéliens estimaient que
"personne" n’avait remporté la guerre. Signe de son isolement, Benyamin
Netanyahou a refusé de procéder à un vote au sein du cabinet de
sécurité, car quatre de ses huit membres étaient opposés à la trêve,
selon les médias.
(27-08-2014 - Assawra avec les agences de presse)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire