Oum Mohammad entre timidement dans la boutique : "J'ai un collier en or, à combien le prenez-vous ?" À la pesée, cinq grammes s'affichent : "24 000 livres syriennes (240 dollars)". À Alep, la capitale économique de la Syrie en guerre, les vendeurs d'or se frottent les mains. Dans la métropole commerçante où le chômage touche des milliers de familles, leurs boutiques ne désemplissent pas. Oum Mohammad, 50 ans et sept enfants à nourrir, se renseigne chaque jour, car le prix de l'or grimpe toujours plus dans la ville au patrimoine millénaire dévastée par neuf mois de combats. "Il me reste une chaîne en or qui appartient à mon fils, je ne vais pas tarder à la vendre, car il faut acheter à manger et habiller les enfants", confie-t-elle. Son mari, qui travaillait dans une usine, a perdu son emploi quand l'électricité a été coupée il y a plusieurs mois à Alep. Depuis, sa famille est sans ressources. Grâce à son or, Oum Mohammad espère tenir encore quelque temps.
"Cibles pour les voleurs"
Avant la révolution en Syrie, le gramme d'or valait 3 200 livres syriennes, à l'époque où un dollar s'échangeait contre 65 livres. Aujourd'hui, le gramme a atteint 4 900 livres et le dollar 113 livres. Alors que la monnaie nationale est en chute libre, "ceux qui veulent sauver leur patrimoine le convertissent en or", affirme Abou Ahmed. À quelques mètres de là, Abou Salem, 40 ans, a investi toutes ses économies pour acheter une joaillerie. Il vendait des sandwiches jusqu'à ce que les combats gagnent sa ville. Les coupures de courant l'ont obligé à fermer boutique. "Beaucoup de joailliers ont fui les combats. Ils avaient assez d'argent pour quitter le pays, donc j'ai repris une de ces boutiques et maintenant je vends et j'achète de l'or pour nourrir mes cinq enfants", dit-il.Mais cette prospérité fait des envieux. "Des hommes armés viennent nous voler. Certains sont même membres de l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles)", lâche Abou Khaldoun, 49 ans. "Il n'y a aucun lieu sûr et nous sommes de vraies cibles pour les voleurs. Certains cachent leur or et leur argent dans des trous qu'ils creusent dans la terre", poursuit-il. Abou Brahim, 45 ans, dont vingt à tenir sa boutique, ne veut, lui, se fâcher avec personne. Parce qu'il traverse régulièrement les check-points pour aller dans les quartiers tenus par l'armée, il ne veut pas parler de la sécurité de sa boutique clinquante, aux murs recouverts de miroirs. Il raconte toutefois l'histoire d'un ami joaillier : "Il avait 12 kilos d'or dans sa boutique, il a perdu 60 millions de livres syriennes la semaine dernière quand des hommes armés ont débarqué et tout raflé."
Le Point.fr - Publié le
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