L’opposition syrienne a de nouveau tenté de convaincre les États-Unis
de lui fournir des armes, mercredi lors d’une réunion à Londres avec le
secrétaire d’État américain John Kerry, un appel qui coïncide avec
l’annonce de l’allégeance à al-Qaida du Front djihadiste al-Nosra, en
première ligne contre le régime syrien.
En marge du premier jour d’une rencontre des ministres des Affaires
étrangères du G8 dans la capitale britannique, l’opposition syrienne,
dont le Premier ministre de la rébellion, Ghassan Hitto, s’est
entretenue avec John Kerry et plusieurs de ses homologues. Elle a de
nouveau demandé, lors d’un déjeuner avec le secrétaire d’État américain,
de recevoir des armes. Mais John Kerry, dont le pays fournit une
importante aide humanitaire à la rébellion syrienne, mais pas d’aide
militaire létale, "n’a rien promis", a indiqué un représentant de son
ministère.
En revanche, le chef de la diplomatie américaine se rendra le 20
avril à Istanbul à une nouvelle réunion du groupe des Amis de la Syrie,
formé de pays arabes et occidentaux opposés au régime de Bachar
el-Assad, a annoncé une autre source au département d’État. La dernière
grande réunion des Amis de la Syrie s’est tenue en février à Rome. Les
entretiens de mercredi ont été organisés sous l’égide du Royaume-Uni,
qui préside actuellement le G8 et milite pour une levée de l’embargo de
l’Union européenne sur les livraisons d’armes aux forces de l’opposition
syrienne.
La question qui divise ses partenaires est plus que jamais
d’actualité après l’annonce mercredi de l’allégeance du Front djihadiste
Al-Nosra à al-Qaida. La France, après avoir semblé être sur la même
ligne que Londres, a indiqué qu’elle n’avait pas encore arrêté sa
position. Elle a fait valoir qu’il fallait d’abord établir si on pouvait
"avoir confiance" à l’opposition syrienne et a mis en avant le risque
que les armes tombent aux mains des extrémistes.
"Nous étudions toujours une grande variété d’options, nous allons
continuer à aider l’opposition, en travaillant avec elle pour discuter
ce dont elle a besoin, et de ce que nous sommes prêts à fournir", a
déclaré pour sa part mercredi un représentant du secrétariat d’État
américain. "Nous avons besoin d’avoir en permanence ce genre de
conversation, c’est la raison pour laquelle nous retournons à Istanbul",
a-t-il encore dit. Interrogé la veille sur l’éventualité d’une aide
militaire américaine à l’opposition, John Kerry avait souligné "qu’il
revenait à la Maison-Blanche de faire ce genre d’annonce". Il avait par
ailleurs réaffirmé sa préférence pour une solution diplomatique en
Syrie.
Mercredi, un avion de l’armée syrienne a lâché cinq bombes aux abords
d’un village du nord-est du Liban, sans faire de victimes, a indiqué un
responsable militaire libanais à l’AFP. "Personne n’a été blessé" dans
cette attaque aux abords du village de Sarjal Ajram, situé au nord-est
de la localité libanaise d’Arsal, a précisé ce militaire sous le couvert
de l’anonymat. La population d’Arsal est en majorité de confession
sunnite et soutient la rébellion en Syrie contre le régime du président
Bachar el-Assad, dominé par la minorité alaouite.
Le conflit opposant le régime du président Assad aux rebelles
syriens, qui a fait 70 000 morts en deux ans selon l’ONU, devait être
"la priorité" du dîner mercredi soir entre les ministres du G8
(Allemagne, Canada, États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Japon et
Russie) et de leur réunion jeudi, selon le chef de la diplomatie
britannique William Hague. Washington voudrait parvenir à assouplir la
position de Moscou, allié indéfectible du régime de Damas depuis le
début du conflit. Une "déclaration assez forte" devrait clore la réunion
jeudi à Londres, selon un haut représentant de l’administration
américaine, qui a toutefois reconnu que le texte avait fait l’objet de
"vives discussions", en raison notamment des objections russes.
Les ministres des Affaires étrangères du G8 devraient également se
pencher sur la crise avec la Corée du Nord, qui menace de lancer une
guerre "thermonucléaire", et la situation en Iran, dont le programme
nucléaire suscite les craintes renouvelées de la communauté
internationale. Mercredi, les États-Unis se sont ainsi dits "très
inquiets" de l’inauguration par Téhéran de deux mines d’extraction et
d’un complexe de production d’uranium. Le chef de la diplomatie russe,
Sergueï Lavrov, a lui mis en garde contre les "manoeuvres militaires"
dans la crise nord-coréenne, mais insisté sur le fait que Moscou et
Washington étaient sur la même longueur d’onde à ce sujet.
***
Les raids aériens contre les civils ont fait des milliers de morts
Une organisation internationale de défense des droits de l’homme a
accusé l’aviation syrienne d’avoir bombardé des boulangeries, hôpitaux
et autres cibles civiles, et cette ONG a appelé à l’arrêt de ces raids
meurtriers contre les civils, qu’elle qualifie de crimes contre
l’humanité.
"Les raids ordonnés par le gouvernement, qui tuent délibérément et de
manière indiscriminée des civils, semblent s’inscrire dans (une
stratégie) d’attaques multiples et systématiques contre la population
civile que nous jugeons être des crimes contre l’humanité", a assuré
Human Rights Watch. "Les personnes qui commettent intentionnellement des
violations sérieuses des lois de la guerre sont coupables de crimes de
guerre", ajoute cette organisation basée à New York dans un rapport
intitulé "la mort venue des cieux".
S’appuyant sur une enquête de terrain dans des zones contrôlées par
les rebelles dans trois provinces syriennes, HRW fait état du
bombardement de quatre boulangeries, de deux hôpitaux ainsi que d’autres
cibles civiles. L’hôpital Dar al-Shifa, dans la ville septentrionale
d’Alep, a ainsi été la cible de quatre attaques, selon cette
organisation. "Village après village, nous avons trouvé une population
terrifiée par son aviation", souligne Ole Solvang, chercheur dans le
département des urgences de HRW. "Ces raids illégaux, qui tuent et
blessent beaucoup de civils, visent à susciter des destructions, la peur
et des déplacements de population", ajoute-t-il.
Citant un réseau de militants, HRW assure que "les raids aériens ont
tué plus de 4 300 civils à travers la Syrie depuis juillet 2012", date
du début des attaques par l’aviation. L’organisation fait également état
de l’utilisation de munitions à haute teneur explosive qui détruisent
parfois plusieurs maisons en une seule attaque.
Un habitant d’Azaz, dans le Nord, a indiqué à HRW qu’au moins 12
membres de sa famille avaient été tués dans le seul bombardement de leur
domicile le 15 août dernier. "J’ai enterré 12 membres de ma famille,
dont mon père, ma mère, ma soeur et ma belle soeur. Walid, mon frère, a
été déchiqueté et je ne l’ai pas tout de suite reconnu. Nous avons
enterré les enfants de mon frère aussi. Le plus jeune n’avait que 40
jours", a assuré l’homme qui s’est présenté sous le nom d’Ahmed. Une des
armes utilisées dans l’attaque d’Azaz était une bombe à fragmentation
dont "le rayon de nuisance peut atteindre 155 mètres", assure HWR.
L’armée syrienne a également recours à d’autres types d’armements, comme
des bombes à sous-munitions, des missiles balistiques et des engins
incendiaires, selon l’organisation.
HRW a appelé la communauté internationale à aider à mettre fin aux
violations qui se produisent en Syrie. "Au vu des preuves récoltées, HRW
appelle tous les gouvernements et entreprises à cesser de vendre et de
fournir des armes, des munitions et du matériel à la Syrie jusqu’à ce
que le gouvernement cesse de commettre ces crimes", écrit l’ONG.
Reconnaissant que les veto de la Russie et de la Chine ont jusqu’à
présent bloqué toute action internationale en Syrie, Ole Solvang assure
que cela ne doit pas "empêcher ces gouvernements d’accroître leurs
efforts de pression sur le gouvernement syrien pour qu’il cesse ces
violations".
(11-04-2013 - Assawra avec les agences de presse)
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