Critiqué dans la rue parisienne par des manifestants, chahuté par des
"Femen" à l’Institut du monde arabe (IMA), le président tunisien Moncef
Marzouki, venu y présenter son dernier ouvrage, a dit assumer son rôle
de président ouvert au dialogue, d’homme de consensus.
Tandis que Jack Lang, le président de l’IMA, entamait un discours
pour l’accueillir dans une vaste salle au 9e étage de l’Institut, une
féministe du groupe activiste Femen, puis une deuxième, puis une
troisième, assises incognito dans l’assistance, se sont précipitées,
soudain torses nus, en hurlant vers la petite estrade où était assis
M. Marzouki, face à une assistance tétanisée.
"Libérez Amina !", ont eu le temps de crier les trois militantes, du
nom d’une Tunisienne de 19 ans qui se cache dans son pays de peur des
représailles des islamistes, depuis la diffusion de photos d’elle les
seins nus.
Les trois manifestantes ont été rapidement expulsées par le service d’ordre.
"Les rencontres à l’IMA sont libres et pacifiques", a sobrement
commenté Jack Lang, cependant que Moncef Marzouki se disait "assez
surpris par la forme", tout en rappelant qu’il était "toujours un
militant des droits de l’homme qui comprend et compatit à toutes les
souffrances".
M. Marzouki, en visite privée en France, a ensuite donné une
conférence sur l’avenir des révolutions arabes, à l’occasion de la
parution de son dernier ouvrage "L’invention d’une démocratie. Les
leçons de l’expérience tunisienne". Puis il a répondu aux sévères
critiques exprimées dans l’assistance, certains lui reprochant son
alliance avec le parti islamiste Ennahda ou de recevoir des "milices
armées" de la Ligue de protection de la révolution (LPR).
"J’ai reçu tout le spectre politique tunisien, même des salafistes.
J’ai reçu tout le monde, je dois parler à tout le monde", a affirmé
M. Marzouki.
Quant à l’alliance de son parti, le Congrès pour la République, avec
Ennahda au pouvoir, il l’a expliquée : "On ne pouvait faire qu’une
alliance, sinon c’était condamner le pays au chaos", a-t-il assuré,
soulignant qu’il y avait "des islamistes totalement réfractaires à la
démocratie". "Mais nous avons aussi nos démocrates musulmans. Il faut
sortir des simplifications", s’est-il exclamé.
Il y a "deux sociétés en embuscade" en Tunisie, "deux groupes sociaux
face à face", mais "il faut trouver un moyen de vivre ensemble", a dit
le président à ses détracteurs l’accusant de faire la part belle aux
islamistes.
"Il m’est apparu de façon très claire qu’il faut trouver un
consensus, un modus vivendi", a-t-il insisté, estimant qu’"on ne peut
pas faire une démocratie avec des extrêmes".
"Le chemin vers la démocratie est lent, long, et difficile, mais la
transition tunisienne est la moins coûteuse en vies humaines et la plus
rapide et ça j’en suis fier", a-t-il encore affirmé.
A l’extérieur de l’IMA, plusieurs dizaines de manifestants tunisiens,
tenus à distance par des barrages de CRS et des barrières métalliques,
brandissaient des pancartes, traitant M. Marzouki de "Robespierre",
révolutionnaire français mais aussi symbole de la Terreur, après la
chute de la monarchie en 1789.
Certains parodiaient le titre de son ouvrage, devenu "L’assassinat
d’une démocratie", ou "L’invention d’une atteinte aux droits humains".
"Qui a tué Chokri Belaïd ?", l’opposant laïc assassiné à Tunis le 6 février dernier, pouvait-on aussi lire sur les pancartes, .
"La police est sur les dents et moi, je suis derrière le ministre de
l’Intérieur. Il faut trouver l’assassin", a dit au cours du débat
M. Marzouki, rejetant l’affirmation d’un participant selon lequel "80%
des Tunisiens affirment qu’Ennahda est derrière cet assassinat".
"Nul n’est plus que moi soucieux de cette démocratie", a encore déclaré le président, vivement applaudi.
Mais à la fin du débat, des cris ont encore jailli dans
l’assistance : "Monsieur le bricoleur de la démocratie", "au Qatar !",
"Vendu !".
(13-04-2013)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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