Le patriarche copte d’Egypte, Tawadros II, a vivement critiqué mardi
le président islamiste Mohamed Morsi, l’accusant de "négligence" face
aux affrontements de dimanche devant la cathédrale Saint-Marc du Caire,
la plus grave crise inter-confessionnelle depuis son arrivée au pouvoir
en juin.
Le chef de la plus grande Eglise chrétienne du Moyen-Orient a aussi
estimé que ces tensions entre communautés religieuses, qui éclatent
régulièrement dans le pays, avaient désormais atteint un "niveau de
chaos".
Les affrontements survenus dimanche se sont produits à l’issue des funérailles de quatre Coptes tués deux jours plus tôt.
Selon des témoignages, des slogans hostiles au pouvoir islamiste
avaient fusé parmi les fidèles coptes qui avaient ensuite été attaqués
par des groupes de civils à la sortie de la cathédrale. La police avait
ensuite tiré des grenades lacrymogènes sur la cathédrale, siège du
patriarcat copte orthodoxe et lieu hautement symbolique pour cette
communauté qui représente 6 à 10% de la population égyptienne.
Deux personnes, un chrétien et une personne non identifiée, ont trouvé la mort dans ces heurts.
M. Morsi avait dès dimanche appelé le patriarche pour condamner ces
violences, annoncer l’ouverture d’une enquête et assurer qu’il
considérait "toute attaque contre l’Eglise comme une attaque
personnelle".
La présidence égyptienne a assuré à nouveau mardi dans un communiqué
qu’elle avait suivi "avec inquiétude ces événements regrettables" et
avait ordonné de "déployer tous les efforts possibles pour maîtriser la
situation et protéger les biens et les personnes".
Le communiqué impute le début des heurts à des fidèles coptes ayant "vandalisé des voitures" à l’issue des obsèques.
Ces propos n’ont pas convaincu le chef de l’Eglise copte, interrogé au téléphone sur la chaîne privée égyptienne ONTV.
M. Morsi "a promis de faire tout ce qui est possible pour protéger la
cathédrale, mais ce n’est pas ce que nous voyons", a déclaré Tawadros
II. Sa gestion des événements "relève de la négligence et d’une mauvaise
évaluation" de la situation, a-t-il poursuivi.
"Il s’agit d’une attaque flagrante contre un symbole national,
l’Eglise d’Egypte", d’une gravité "sans précédent en 2000 ans
d’histoire" de la chrétienté dans le pays, a ajouté le patriarche.
"L’Etat doit prendre clairement position" car les tensions "dépassent
les limites de la liberté d’expression et ont atteint un niveau de
chaos", a-t-il affirmé.
Pour tenter de rétablir le calme, la présidence égyptienne a annoncé
mardi soir que M. Morsi avait chargé une délégation de rendre visite à
l’Eglise copte pour dire "que l’Eglise est un symbole copte égyptien,
auquel personne ne peut porter atteinte", et assurer que les auteurs des
actes de violence devraient rendre des comptes.
"La délégation a rencontré des responsables de l’Eglise mais pas le
patriarche Touwadros qui se trouve en dehors du Caire", selon le
communiqué.
Par ailleurs, plusieurs centaines de personnes ont manifesté au Caire
mardi en fin de journée contre les violences confessionnelles. "Nous
voulons dire au monde que l’Egypte est unie et qu’il n’y a pas de
différence entre chrétiens et musulmans", a affirmé un manifestant,
Mohammed Farag.
Les quatre Coptes dont les funérailles ont été célébrées dimanche
avaient été tués vendredi dans une bourgade déshéritée au nord du Caire,
Al-Khoussous, lors de heurts avec des musulmans. Un musulman est
également mort au cours de ces heurts.
Les affrontements sont fréquents entre chrétiens et musulmans en
Egypte. Depuis la chute du régime de Hosni Moubarak en février 2011, les
heurts entre communautés religieuses ont tué une cinquantaine de
chrétiens et plusieurs musulmans.
L’élection en juin 2012 d’un président issu des Frères musulmans a
aggravé le sentiment d’insécurité et de marginalisation des Coptes, même
si M. Morsi a promis d’être le "président de tous les Egyptiens".
L’Eglise copte a déjà pris des positions très critiques contre le
pouvoir de M. Morsi ces derniers mois, à l’occasion de l’adoption d’une
nouvelle Constitution accusée de faire la part belle aux vues des
islamistes.
(10-04-2013)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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