Le 8 mars, le président israélien Shimon Peres a effectué une visite
de 24 heures en France dans le cadre d’une tournée européenne. Selon un
communiqué du syndicat SUD-Rail, son arrivée en gare du Nord en
provenance de Bruxelles a donné lieu à une sélection du personnel pour
le moins étonnante. "Pour son arrivée en gare du Nord, la SNCF a
commandé 3 porteurs à sa filiale Itiremia afin de s’occuper des bagages
de la délégation israélienne. La veille, le responsable de site s’était
lancé dans un étrange marché au sein du personnel, excluant les Noirs et
[les] Arabes, car il ne fallait pas de salariés musulmans pour
accueillir le chef d’État israélien", peut-on lire dans ce communiqué.
"Pour cette mission, les consignes ont été très claires : il ne fallait
ni Noirs ni Arabes", confirme au Point Zachée Lapée, représentant du
personnel au conseil d’administration d’Itiremia, une filiale de la
SNCF, chargée des voyages collectifs, du transport des bagages et de la
sécurisation des voies.
Selon le communiqué, une enquête menée par le CHSCT est actuellement
diligentée au sein de l’entreprise afin d’établir les responsabilités
dans l’organisation de cette mission jugée discriminatoire à la gare du
Nord lors de l’accueil du chef de l’État. Yacine Chaoui, membre de cette
commission d’enquête, est encore plus précis : "Quelques jours avant le
8 mars, on disait pas de Noirs et pas d’Arabes. Ensuite, au plus près
de l’échéance, c’est devenu pas de musulmans."
Selon nos informations, le management de la filiale de la SNCF a
opéré dès le 6 mars un changement de planning afin qu’aucun salarié
musulman ne se retrouve au contact de la délégation israélienne en
provenance de Bruxelles à 10 h 35. En revanche, personne ne connaît avec
certitude la chaîne des responsabilités qui a abouti à cette décision.
D’après le Daily Mail dimanche, la SNCF avait d’abord évoqué une
consigne du ministère de l’Intérieur, puis de la délégation israélienne.
Contactée par Le Point, l’ambassade d’Israël a réfuté catégoriquement
avoir effectué une telle demande auprès de la SNCF. "Nous n’avons pas
eu besoin de faire appel à une société de bagages, ils ont été acheminés
par camion depuis Bruxelles. Shimon Peres est venu à Paris aussi pour
dialoguer avec des musulmans. Il a d’ailleurs rencontré des imams à
cette occasion, le 10 mars", ajoute Yaron Gamburg, porte-parole de la
chancellerie israélienne.
Pour ce cadre d’Itiremia, cela ne change rien : "Ce n’est pas
seulement la prise en charge de la délégation israélienne qui fait
polémique chez nous. Nous nous occupons aussi des voyageurs handicapés.
Si, par exemple, sur ce Thalys, il y avait une personne à mobilité
réduite, sa prise en charge n’a pas pu se faire, ce jour-là, par un
salarié d’apparence musulmane en raison de la présence d’officiels
israéliens. Qui a donné cet ordre absurde ? Je l’ignore."
Si les investigations internes se poursuivent - l’enquête devrait
être terminée lundi 15 avril -, les représentants des personnels se
plaignent du manque de coopération de la direction d’Itiremia et de la
SNCF. Plusieurs demandes de documents ont en effet été transmises sans
résultat, plus d’un mois après le déroulement des faits. En effet,
lorsque la SNCF recourt aux services de sa filiale, un bon de commande
est établi avec les détails de la prestation. "Si nous n’obtenons pas
les documents relatifs à cette mission, la justice sera saisie",
prévient Zachée Lapée.
Joint sur son portable, Patrick Vidal, le responsable d’Itiremia sur
le site de la gare du Nord, s’est refusé à tout commentaire, renvoyant
la balle à Laurent Trevisani, le directeur stratégique de la SNCF.
Contacté par mail puis par téléphone, le service de presse de la SNCF
n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations avant la mise en ligne.
(15-04-2013 - Aziz Zemouri)
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