L’Irak commémore discrètement mardi le dixième anniversaire de la
"chute de Bagdad", qui a scellé la fin du régime de Saddam Hussein, dans
une atmosphère morne où les violences et l’instabilité politique
dominent le quotidien.
Le 9 avril 2003, les troupes de la coalition menée par les Etats-Unis
fondaient sur Bagdad, ne rencontrant que peu de résistance de la part
de l’armée de Saddam Hussein, démoralisée et désorganisée.
L’image qui symbolise la fin du régime du raïs est celle de soldats
américains détruisant sa statue à l’aide d’un char muni d’un treuil sur
la place Ferdaous, en plein centre-ville.
Mais la joie éprouvée par nombre d’Irakiens à ce moment-là a été de
courte durée. Selon un rapport de l’ONG Iraq Body Count, 112.000 civils
ont péri entre mars 2003 et mars 2013 dans les violences qui continuent,
dix ans après, à endeuiller l’Irak.
Mardi, nombre d’Irakiens n’avaient pas le coeur à célébrer l’événement.
Le 9 avril 2003 "a été une journée sombre et triste", affirme à l’AFP
Mohammed al-Qaïsi, qui tient un magasin de photos sur la place Tahrir
dans le centre de Bagdad. "La corruption et tous les problèmes sont
arrivés après le début de l’occupation, le 9 avril".
"Nous étions contents du changement de régime, mais ce que nous avons
vécu ensuite a été si affreux que nous avons commencé à regretter
l’ancien régime", a renchéri Wathiq Ahmed, commerçant.
Prises en tenaille entre les milices chiites et les insurgés
sunnites, les troupes américaines ont, elles aussi, payé un lourd tribut
aux violences qui ont pris un tour résolument confessionnel à partir de
2006. Selon le site spécialisé icasualties.org, 4.486 soldats
américains sont morts en Irak pendant les huit années d’occupation, qui
s’est achevée en décembre 2011.
Dans ce contexte, le gouvernement irakien n’a organisé aucune
cérémonie mardi. Seul le Kurdistan, la région autonome du nord de l’Irak
qui a énormément souffert sous le joug de Saddam Hussein, a décrété un
jour férié.
Dans un éditorial publié mardi par le Washington Post, le Premier
ministre Nouri al-Maliki a jugé qu’"en dépit de tous les problèmes de la
décennie écoulée, l’écrasante majorité des Irakiens est d’accord pour
dire que nous sommes bien mieux lotis aujourd’hui que sous la dictature
brutale de Saddam Hussein".
Cet anniversaire tombe en pleine campagne pour les élections
provinciales du 20 avril (pour 12 des 18 provinces). Mais ce premier
scrutin depuis le départ des derniers soldats américains, se prépare
dans le sang.
Douze candidats ont été tués depuis le début de l’année, selon des
données officielles. Samedi, un attentat a fait 25 morts et 60 blessés
lors d’un meeting électoral à Baqouba, au nord de Bagdad.
Plus généralement, les groupes et groupuscules armés affiliés à
Al-Qaïda en Irak ont certes vu leur élan freiné à partir de 2008, mais
ils continuent de viser les forces de sécurité et les chiites,
communauté majoritaire qui domine le gouvernement.
A ces violences s’ajoute une lutte politique houleuse entre Nouri
al-Maliki et la minorité sunnite. Plusieurs dizaines de milliers de
personnes défilent chaque vendredi dans les régions à majorité sunnite
pour dénoncer leur "marginalisation" et réclamer la démission du Premier
ministre.
Evoquant des impératifs de sécurité, M. Maliki a décidé de reporter
sine die les élections provinciales à Ninive (nord) et Al-Anbar (ouest),
deux provinces où vivent d’importantes communautés sunnites.
Mais aux yeux des observateurs et des diplomates étrangers, la
menace la plus sérieuse vient du conflit larvé que se livrent le
Kurdistan et le pouvoir central à Bagdad.
Les deux entités revendiquent une bande de territoire riche en
hydrocarbures. Et Bagdad enrage de voir Erbil faire de plus en plus
cavalier seul, signant des contrats avec des compagnies pétrolières
étrangères en se passant de l’approbation du ministère du Pétrole.
(09-04-2013 )
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