Intitulé "Piégés et coincés : les trafics de personnes au Moyen-Orient", ce rapport de 150 pages, rédigé au terme de 650 entretiens sur une période de deux ans en Jordanie, au Liban, au Koweït et aux Emirats arabes unis, a été présenté mardi, à l’ouverture d’une conférence de deux jours à Amman de l’Organisation internationale du travail (OIT), une agence de l’ONU.
"Si les données sont rares, l’OIT estime qu’il y a 600.000 victimes du travail forcé au Moyen-Orient", peut-on lire dans ce rapport.
"L’immigration de travail dans cette région du monde est sans pareille par son ampleur et sa croissance, qui a été exponentielle ces dernières années", a souligné Beate Andrees, chef du Programme d’action pour combattre le travail forcé à l’OIT.
"Le défi est de mettre en place des garde-fous, à la fois dans les pays d’origine et les pays de destination, pour empêcher l’exploitation et les abus dont sont victimes ces travailleurs", a-t-elle estimé.
L’agence de l’ONU pointe du doigt la kafala, qui "gouverne les vies de la plupart des travailleurs immigrés dans les pays du Machrek et du Conseil de coopération du Golfe (CCG)", soit plus de 12 millions de personnes.
Ce système de garant impose à chaque étranger dans ces pays d’avoir un "kafil", un ressortissant du pays hôte -souvent son employeur- qui est responsable de son visa et de son statut légal dans le pays d’accueil et dont il doit obtenir l’aval pour tout acte de la vie civile.
Cette exigence de la kafala pose un "problème inhérent", en créant un déséquilibre de pouvoir entre l’employeur et l’employé. "Réformer le système de la kafala améliorerait beaucoup la gestion des migrations liées au travail", souligne le rapport. Les Arabes ont généralement un accès plus facile au marché du travail dans le Golfe que les migrants africains ou asiatiques soumis à la kafala, indique l’étude.
L’étude critique les défauts des législations encadrant le travail, qui "aggravent les vulnérabilités des travailleurs immigrés", ainsi que des "lacunes significatives" dans la loi qui "restreignent la capacité des travailleurs immigrés à s’organiser, mettre fin à un contrat de travail et changer d’employeur".
Par ailleurs, dans certains secteurs employant surtout des hommes, "des travailleurs sont régulièrement trompés concernant les conditions de vie et de travail (...) voire même l’existence d’un travail", souligne le rapport.
Ainsi, des migrants d’Asie, dont le Bangladesh, le Népal ou le Sri Lanka, recrutés comme travailleurs domestiques, se retrouvent "à garder des troupeaux dans le désert".
Le rapport souligne la "vulnérabilité particulière" de femmes africaines ou asiatiques "dupées et contraintes à une exploitation sexuelle". De même, des femmes, venues pour des emplois d’infirmières ou d’enseignantes, "sont enlevées à leur arrivée" et contraintes à "fournir des services sexuels à des clients dans des appartements ou des villas privés ou isolés".
L’étude souligne aussi le poids de la dette contractée par de nombreux migrants, notamment asiatiques, envers des agences de recrutement : en moyenne 550 dollars, mais "parfois beaucoup plus", les laissant "criblés de dettes".
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